Résumé:
Nous nous attachons ici à analyser les stratégies de gestion du champ religieux mises en œuvre en Égypte par le régime du maréchal al-Sissi, après le coup d’État de l’été 2013 qui a mis un terme à la « parenthèse révolutionnaire » de 2011-2013 marquée par le triomphe électoral des Frères musulmans. En fait, le régime suit une double stratégie : d’une part, dans un registre hérité de la période Moubarak, il s’appuie sur les seuls acteurs islamistes à avoir soutenu le coup d’État, la Prédication salafiste et son parti al-Nour, dans le but de les ériger en substitut légitimiste des Frères musulmans ; d’autre part, dans une logique plus « nassérienne », il cherche à remettre en selle les institutions d’un islam officiel à prétention hégémonique pour reprendre le contrôle des mosquées. Nous examinons les motivations des acteurs religieux impliqués dans ces stratégies, et nous intéressons aux tensions que celles-ci, ainsi que leur articulation, génèrent dans les champs politique et religieux. Cette étude de cas nous permet de nourrir la réflexion sur les ressorts de la légitimation religieuse des régimes autoritaires arabes.
Référence:
Stéphane LACROIX, Ahmed ZAGHLOUL SHALATA, « Le maréchal et les cheikhs : les stratégies religieuses du régime et leurs complications dans l’Égypte de al-Sissi », Critique internationale, 2018/1 (N° 78), p. 21-39.