Résumé:
Depuis le début des années 2000, les villes et les campagnes éthiopiennes se couvrent de larges églises à plan basilical, à la taille monumentale. Lieux de culte des fidèles de l’Église orthodoxe täwahedo d’Éthiopie, ces énormes édifices sont appelés « cathédrales » par la population et sont constitués d’une large nef, d’une ou deux coupoles et d’une ou plusieurs tours, le tout bien loin du schéma des églises traditionnelles, circulaires ou rectangulaires, qui prévalait auparavant. Outre l’exposition des changements architecturaux radicaux que suppose un tel processus, cet article propose une analyse des racines politiques, religieuses et identitaires du phénomène. Ce dernier est né de la volonté du dernier roi des rois d’Éthiopie, Hailé Sélassié (1930-1974), d’édifier à partir des années 1930 des églises monumentales, chargées de commémorer le lien entre la famille royale régnante, la population éthiopienne et l’Église orthodoxe. Toutefois, cette politique prend fin avec la révolution de 1974. C’est alors que les fidèles eux-mêmes reprennent le concept d’église « monumentale » à leur compte, encouragés à prendre en main la destinée de leur paroisse par une large réforme de l’Église orthodoxe. La construction de cathédrale devient alors un phénomène impulsé par la base des chrétiens orthodoxes et non plus par une autorité ecclésiastique ou politique d’envergure nationale.
Référence:
Stéphane ANCEL, « Les cathédrales comme nouvelle politique monumentale des chrétiens d’Éthiopie. De la valorisation d’une mémoire nationale à l’affirmation de la fierté communautaire locale (1930-2012) », Cahiers d'études africaines, 2017/3 (n° 227), p. 641-670.