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À propos du GIS

Contexte

Comme l’indique le rapport de l’alliance ATHENA « Recherches sur les radicalisations, les formes de violence qui en résultent et la manière dont les sociétés les préviennent et s’en protègent », les acteurs de la recherche en sciences humaines et sociales, universités, grands établissements et organismes de recherche ont été invités à établir un bilan des recherches et publications réalisés depuis une quinzaine d’années sur les thématiques de la marginalisation sociale, de la situation de la jeunesse dans les banlieues, de la pratique de l’Islam et de ses relations à la citoyenneté et à la République. Ce travail de bilan permet de mettre en évidence d’une part le grand nombre de recherches sur ces domaines (et leur invisibilité relative au-delà de la communauté scientifique), d’autre part la quasi-disparition de l’enseignement sur l’islam à l’université (droit, philosophie, histoire et anthropologie de l’islam).

Cet « instantané » prend place dans un ensemble de recherches plus vaste et déjà très riche, dès lors qu’on élargit la question. Les pratiques, les croyances, les textes, les institutions, les pratiques relatives au religieux ou à telle ou telle religion sont traités à différents temps de l’histoire, à différentes échelles temporelles et spatiales. Ces approches ne répondent pas simplement au désir de répondre à l’actualité mais à la nécessité de mobiliser un champ de recherche actif et ancien.

Objectif

L’opinion générale des acteurs de la recherche est que, dans ce contexte de recherche foisonnante mais peu visible, certaines approches transversales méritent particulièrement d’être développées. Cette opinion part d’un constat : la diversité dans le temps et l’espace des références faites à une religion pour rendre compte d’une pratique, d’une action, d’une orientation normative, etc., individuelle ou collective. Pour en éclairer le sens, il paraît tout d’abord essentiel de promouvoir une étude des textes religieux, de leurs langues propres, et de leur modalité de circulation et de diffusion. Il s’agit de les aborder dans toute leur diversité, sans négliger leurs interactions, et dans des aires culturelles diversifiées (le Moyen Orient, oui, mais aussi l’Asie et la zone euro-atlantique). Cet aspect permet de ne pas laisser l’actualité dicter un agenda scientifique, tout en éclairant cette dernière à la lumière de travaux qui mettent les phénomènes observés et leurs articulations en perspective, dans le temps et l’espace.

Cela exige par ailleurs de promouvoir un décloisonnement systématique des approches disciplinaires dans leurs analyses des dimensions confessionnelles/culturelles des faits religieux, dans une perspective de confrontation, de reconnaissance et d’articulation des apports propres à chaque discipline.

Il s’agit de travailler à partir de prismes complémentaires, en refusant la tendance à séparer les modes d’approches du religieux, très notable dans le champ des études relatives à l’Islam, mais présent ailleurs aussi : histoire doctrinale/sociologie ; étude des systèmes de sens/analyse des pratiques des acteurs.

Les écueils à éviter

Plusieurs prismes de recherche sont à écarter :

  1. Se limiter aux trois monothéismes (dont la répartition en grandes « unités » est elle-même très relative).
  2. Se limiter à des espaces ou des contextes qui concentrent l’attention en raison de l’actualité (comme le Moyen-Orient pour l’islam, au détriment des Balkans, de l’Asie centrale, de l’Asie du Sud et du Sud Est).
  3. De façon corrélative, se limiter à une approche trop restreinte de certains phénomènes sous l’effet de l’actualité. Par exemple, l’analyse des phénomènes de radicalisation de mouvements religieux est aussi pertinente et bien développée en Amérique du Nord ou du Sud.
  4. Se limiter aux formes d’expression les plus spectaculaires et politiquement dangereuses de la croyance, de l’adhésion, de la revendication d’une religion au détriment de pratiques plus ordinaires, structurelles et invisibles.
  5. Se limiter à des sujets très médiatisés (par exemple, le foulard islamique) sans les resituer dans le temps long et dans des approches thématiques larges (ainsi, le foulard islamique gagnerait à être abordé dans une réflexion sur « corps et religion »).
  6. Dissocier l’étude des rites et des pratiques religieuses de celle des corps de croyance et de symboles auxquels ils renvoient, comme des contextes spécifiques locaux, nationaux et transnationaux dans lesquels ils s’ancrent.

Les thématiques

Nous proposons de cibler six thématiques majeures, chaque approche reposant sur une double perspective :

  1. Envisager les phénomènes sur le temps long,
  2. Favoriser une réflexion interdisciplinaire effective.

1.- Croyances, représentations et pratiques quotidiennes des acteurs sociaux

Les recherches menées en sociologie, en anthropologie, en sciences politiques notamment, au sujet des interactions entre politique et religion, sont souvent concentrées sur les institutions et les personnes qui les animent et les dirigent pour être ensuite « plaquées » sur l’ensemble des individus qu’elles sont censées « représenter ».
Au-delà de la question des institutions, les recherches sont moins développées à propos des acteurs sociaux, envisagés dans leur diversité, et des groupes intermédiaires auxquels ils se rattachent (familles, associations, etc.), de leurs croyances, de leur rapport au « sacré », de leurs représentations, de leurs pratiques quotidiennes (alimentation, sexualité, rapport au corps, conception du bien) et de leurs interactions avec les institutions. Si ces analyses ne sont pas absentes dans les différentes disciplines prenant pour objet le religieux, il faudrait sans doute encore les renforcer. En particulier, elles sont à étayer à propos des formes non radicales de rapport et d’adhésion à une religion.

Plusieurs rapports des acteurs sociaux « ordinaires » au religieux doivent en particulier faire l’objet de recherches renouvelées :
Le phénomène de la conversion, tant sur son versant externe (comment passe-t-on d’une religion à une autre, ou de l’absence de religion à une religion) qu’interne (comment, par exemple, un chrétien du « tout-venant » passe au jansénisme, au piétisme, à un mouvement de « Réveil »). Certains viennent à la religion, et parfois dans une recherche qui leur fait traverser plusieurs communautés successives. Une conversion peut en préparer une autre (par exemple, ce que Gilles Kepel nomme le « piétisme » musulman est différent du salafisme, mais peut constituer malgré lui une transition vers celui-ci dans la trajectoire de certains individus ; pour le christianisme de l’âge classique, voir L. Kolakowski : Chrétiens sans Église). Les groupes convertis à une forme radicale de religion sont confrontés au problème de savoir s’ils doivent se séparer ou non de la communauté « générale » dont ils sont issus et dont ils dénoncent la tiédeur ou la corruption : l’alternative est pour eux celle du séparatisme ou la constitution d’une « ecclesiola in ecclesia ». Il est important de repérer et mesurer les écarts qui peuvent en découler en termes de pratiques sociales, comme le mariage par exemple. Les historiens de l’antiquité et de l’époque tardo-antique ont travaillé sur le phénomène de la conversion (conversions au judaïsme, au christianisme, au gnosticisme, au mithraïsme : comment et pourquoi les membres de la communauté dominante se convertissent à des religions minoritaires). Pour le temps présent, il existe en sociologie des religions et en anthropologie un grand nombre de travaux sur les conversions. Il faudrait renforcer de façon spécifique l’étude de ces phénomènes dans les différents champs disciplinaires, y compris juridique et économique.
L’inverse de la question de la conversion : le rapport à la religion dont on « hérite » par appartenance familiale/communautaire. Quels modes d’identification et d’adhésion à une religion sont possibles lorsque l’appartenance confessionnelle relève de l’évidence familiale et/ou sociale ? Que se passe-t-il lorsqu’on change de territoire et que l’on s’installe dans un espace pluriconfessionnel, où éventuellement sa propre confession est minoritaire ? De fait, les religions ou les confessions caractérisent souvent des majorités ou des minorités dans de nombreux pays, y compris parfois quand ces derniers ont opté pour une séparation entre la sphère religieuse et l’Etat. Un pas de plus est franchi lorsque, suite à des émigrations, des déplacements de populations, etc., les immigrés et/ou les minorités se voient définis par leur origine et par leur appartenance religieuse, notamment dans des pays où, d’un point de vue institutionnel, ces dimensions sont censées relever de la sphère du privé. Aujourd’hui, on repère ce phénomène d’identification indissociable dans les glissements sémantiques courants entre « arabes » et « musulmans ». Il s’agit alors également de comprendre comment les individus concernés investissent, se réapproprient ou rejettent ces catégorisations (voir D. Hervieu-Léger, Le pèlerin et le converti et La religion pour mémoire).
L’attitude critique à l’égard des religions et le passage d’une religion à l’absence de religion. Celle-ci inclut la question de l’athéisme, sans s’y réduire. En effet, la critique connaît d’autres formes, y compris interne à la religion : agnosticisme, religiosité personnelle hostile aux institutions en général ou de façon ponctuelle, critiques internes à une religion, une grande partie de l’activité doctrinale des religions consistant à se confronter à leurs critiques, soit pour les réfuter (voire fonder leur persécution), soit pour les intégrer (au nom d’une herméneutique plus éclairée, ou d’un aggiornamento).

L’étude de ces rapports au religieux devrait être conçue sur le temps long (voire très long), pour mieux comprendre les dynamiques religieuses dans les sociétés contemporaines. C’est déjà ce qu’ont commencé à faire des historiens dans le cadre d’un projet ANR ou d’un des axes du LabEx COMOD. Cette perspective du temps long permet de s’interroger sur le caractère comparable de certaines structures/certains phénomènes, sans pour autant les assimiler les uns aux autres. Par ailleurs, d’un point de vue méthodologique, sur cet ensemble de points, il y a sans doute des espaces à cibler plus particulièrement : armée, hôpital, école, tout autant que la prison, sur laquelle il y a déjà eu quelques travaux (voir notamment Béraud, De Galembert, Rostaing, La religion en prison), sans doute à prolonger.

2.- Le rôle politique des religions

La dimension géopolitique : dans l’histoire des rapports du christianisme et des entités souveraines, depuis l’époque moderne, une question récurrente est celle des effets politiques de la religion (un ferment d’union/de désunion, un ferment de désordre/de paix civile ?). La question est toujours d’actualité, mais s’est pour ainsi dire démultipliée, en direction de plusieurs confessions religieuses et sa dimension transnationale apparait aujourd’hui renforcée. La religion est un outil de l’action politique à l’intérieur comme au delà des frontières de l’Etat-nation. Elle contribue aux recompositions des espaces politiques, locaux, régionaux, nationaux, interrégionaux et transnationaux. Elle est un outil pour des Etats qui emploient le référent religieux comme une ressource de légitimation. Par ailleurs, il convient d’éclairer les transformations politiques, culturelles, cultuelles, institutionnelles, liées à l’installation de populations de culture religieuse « minoritaire » dans un espace d’immigration.
Les modalités de l’action et de la mobilisation relatives à une croyance religieuse. Aujourd’hui, elles s’avèrent être individuelles autant que collectives. Elles prennent des formes violentes ou non – et revendiquent parfois la non-violence. La « radicalisation » n’est pas forcément synonyme de recours à la violence. Pour bien la comprendre, il faudrait en outre l’appréhender de façon comparative : l’attitude « radicalisée » se positionne par rapport et contre d’autres formes d’action et de relations possibles à la religion. Les actions et les mobilisations peuvent s’appuyer sur des outils de communication globale et des circulations internationales. En outre, ces actions et ces mobilisations ne visent pas nécessairement le contrôle direct du pouvoir politique par les instances religieuses. Une fois qu’une communauté religieuse – ou sa hiérarchie – a renoncé à cette forme extrême, elle peut réintroduire une demande de contrôle par des médiations : par exemple la morale. En se proclamant gardiennes de la morale, voire de la dignité de la personne ou des droits de l’homme (donc en refusant implicitement aux autorités politiques la compétence en ces domaines), les Eglises se donnent un moyen « apolitique » – donc unificateur – d’intervenir dans le champ politique. C’est le cas aujourd’hui comme par le passé (par exemple, à l’âge classique, lorsque les Eglises réformées proclamaient leur soumission au Magistrat séculier, elles exerçaient des pressions sur lui dans les controverses du jus circa sacra). Par exemple, cet investissement se lit dans la place qu’occupent aujourd’hui les religions dans le débat sur le changement climatique. Il convient donc d’éclairer comment les institutions religieuses, séparément ou à travers des jeux d’alliance, entendent superviser les différentes facettes de la vie des personnes, y compris dans sa dimension corporelle.

3.- Devenir des confessions et des pratiques religieuses dans un monde pluraliste et globalisé

Régulation interne des minorités religieuses issues des migrations : de quels principes d’organisation disposent-elles ? Quelles sont leurs modalités d’acculturation, leurs dispositifs de légitimation ? Pour les sociétés euro-atlantiques, ce schéma ne vise pas seulement l’islam, qui est déjà au cœur de nombreuses recherches. Il a une extension plus large et doit intégrer aussi les autres mondes religieux (bouddhistes, hindouistes, orthodoxes, religions africaines, etc.) dont les mécanismes d’intégration aux sociétés d’accueil sont encore trop peu analysés. On doit y porter d’autant plus d’intérêt qu’ils constituent, en tout cas dans le monde occidental, des structures d’attraction, ou même de conversion.
Le devenir des religions autrefois dominantes dans un monde pluralisé ? Comment, aux plans idéologique et organisationnel, se reconstituent-elles ou maintiennent-elles une capacité d’intervention ou d’emprise ? Se contentent-elles de n’être qu’une religion identitaire ou « culturelle », selon l’expression des chercheurs canadiens ? Quelle place les pouvoirs publics leur donnent-ils ? Comment font-elles avec le développement de l’indifférence, de l’agnosticisme, de l’athéisme (voir par exemple le new atheism) ?
La gestion des pluralismes religieux et des diverses formes d’organisations religieuses (institutions, mouvements, communautés). C’est là une question tout à fait décisive, qui dépasse les seuls enjeux de l’actualité. Elle appelle, du reste, un traitement à plusieurs degrés : notamment un traitement d’ordre philosophique, qui mobilise la notion d’égalité et celle de la « reconnaissance » ; ou encore, un traitement d’ordre politico-juridique également, qui renvoie à différentes formes de laïcité et à la question de la singularité des modèles et de leur possible circulation. Des travaux innovants sur les interactions sur de nombreux lieux de culte partagés dans le pourtour méditerranéen offrent en ce sens des pistes de recherche stimulantes
La religion comme marqueur d’identité individuelle ou collective ; il s’agit ici de mieux comprendre les frontières entre des pratiques identifiées comme « religieuses » et d’autres qui ne le sont a priori pas ou sujettes à controverses, même d’un point de vue interne à une religion (exemple de l’alimentation), tels les diverses expériences liées aux rituels et pratiques sacrificielles opérés dans des pays d’émigration ; la dimension de genre est également, dans cette thématique, une perspective qu’il conviendrait d’approfondir et de renforcer, du fait notamment des mutations profondes que connaissent les sociétés contemporaines et où cette dimension apparait, souvent, comme un enjeu majeur des rapports sociaux (ainsi, par exemple, les injonctions religieuses sur tel ou tel aspect de la vie humaine ne sont pas nécessairement les mêmes pour un homme ou une femme).

4.- Croyances religieuses et dimensions économiques de la société

Plusieurs axes peuvent ici être mis en exergue :

  • réseaux de financements, qui transcendent les frontières des Etats-nations
  • relation entre parcours migratoires (des élites autant que des migrants qui fuient la pauvreté), socio-économiques et pratiques religieuses
  • religion et développement capitalistique
  • l’église comme entreprise et la finance religieuse
  • économie de la guerre sainte, du terrorisme religieux, du fondamentalisme au pouvoir
  • la marchandisation de Dieu et l’économie religieuse

Cette dimension est moins développée que les précédentes dans la recherche actuelle. Une action ciblée est à envisager à son sujet (mise en place d’un réseau, colloque spécifique, etc.)

5.- Production et circulation des textes

Aujourd’hui, chacun se revendique de textes religieux ; ils sont des armes du débat ou un « refuge » pour les radicaux. En l’absence d’une véritable connaissance en ce domaine de la part de la société et des leaders d’opinion, l’argument qui se réfugie derrière un texte religieux est rarement discuté. Il est nécessaire de développer la recherche en ce domaine et la mise au point d’outils d’analyse. On peut imaginer :

  • Travail sur le sens des mots et le poids des traductions. Pour ne prendre qu’un exemple, pensons à la reproduction massive du Coran et à sa lecture solitaire. Ceci a en effet donné lieu à une concurrence entre les Corans édités en Arabie Saoudite et ceux publiés sous contrôle de la couronne marocaine. La réflexion peut être étendue à bien d’autres textes ; pensons à la diffusion massive du bouddhisme en Occident qui provoque l’essor des traductions, mouvement sans précédent depuis de nombreux siècles
  • Recherche sur la généalogie des textes (ex. : la source Q à propos des Evangiles) et des apriori, et des débats scientifiques et sociaux sur l’authenticité des textes anciens et nouveaux
  • Analyse des conditions de production et de diffusion des textes ; les outils traditionnels (imprimerie) et nouveaux (internet et autres médias connectés) permettent une diffusion d’une ampleur considérable de contenus religieux, que l’on peut étudier dans le temps long (la révolution de l’imprimé vs. celle de l’internet) comme dans les mutations les plus récentes, en articulant les réflexions sur les contenus et sur les supports.

Enfermer la recherche aux seuls textes canoniques ou reconnus par les autorités serait une erreur. Les religions empruntent de nombreuses voies sachant se servir des media. On se souvient de l’extraordinaire succès de la littérature de dévotion catholique à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, phénomène que l’historiographie n’a « découvert » que récemment. Ailleurs ce sont les traductions et les adaptations qui donnent au texte sacré une nouvelle dimension qui est très discutée : doit-on admettre des « aménagements » afin de toucher un « public » élargi ? doit-on rester au plus proche du texte quitte à obligé le croyant à se former avant de le comprendre ?
A ces questions s’ajoute celle des moyens de diffusion utilisés pour véhiculer la pensée de ces textes. Bien des Eglises ont su se servir des moyens de communication, mettant sur pied des circuits de distribution efficace. Le discours porté actuellement sur internet ne doit pas dissimuler l’importance que les religions ont toujours accordée aux media.

6.- Les espaces du religieux

La visibilité des religions dans l’espace public est, aujourd’hui en Occident, un des principaux points de crispation. Trop souvent les media s’enferment dans une dualité : la « tradition » contre « l’importation ». Une fois de plus, il convient d’échapper aux apriori et à la « pression » née des interrogations (voire des fantasmes) de l’opinion.

En fait quatre défis sont à considérer :

  • La gestion des espaces hérités : si beaucoup d’édifices de culte sont bien vivants, d’autres perdent leur importance. Dans la seule ville de Bâle, il y avait en 1974 14 églises pour 92 000 fidèles ; aujourd’hui, elles sont toujours aussi nombreuses pour moins de 31 000 pratiquants. Que faire des édifices ? La question ne se pose pas que pour le monde chrétien, dans certaines villes européennes, elle concerne également des synagogues. Les réponses sont nombreuses : destruction ; ré-affectation culturelle (transformation en musée, bibliothèque…) ; vente au secteur privé ; transfert vers d’autres confessions… Si les débats sont violents à propos des sanctuaires, un petit patrimoine religieux peut disparaître dans l’indifférence (croix de chemin, potales…). Or, on s’aperçoit que ces édifices n’ont pas qu’une dimension religieuse, ils sont porteurs d’une symbolique forte et sont « défendus » par des non-croyants. Il convient donc de mieux comprendre la « charge affective » qu’ils peuvent porter, de comprendre la démarche des acteurs de terrain qui participent à la transformation de cet espace.
  • L’émergence de nouveaux espaces : parallèlement apparaissent de nouveaux édifices. Si l’actualité ne braque ses projecteurs que sur les mosquées, nous devons penser aux temples bouddhistes, aux salles de prière évangéliques, aux salles de réunion des nouvelles religions… Le processus se heurte parfois à l’hostilité des populations déjà présentes et s’accompagne souvent d’une acculturation des formes importées. Si la première dimension attire l’attention des media, la seconde est souvent négligée. Il convient de repenser ces phénomènes de façon englobante, de considérer les formes actives d’adaptation, d’analyser les processus de réception…
  • Le dynamisme de ces espaces : à côté d’espaces visibles, les religions s’inscrivent dans des espaces éphémères (prières de rue, procession, marches de pèlerins…). Notre société a du mal à les comprendre. Certains veulent enfermer la croyance dans la seule sphère du privé, la privant de tout accès à l’espace public. D’autres s’en servent pour affirmer des positions et des engagements. D’autres encore « récupèrent » des gestes jadis religieux : tous ceux qui « font » le chemin de Compostelle sont-ils de zélés catholiques ? S’intéresser aux fidèles dans ces dynamiques permet de saisir l’immense variété de leurs positionnements.
  • Le temps : le temps est un corollaire de l’espace car il est, selon Alphonse Dupront, une des deux catégories essentielles pour approcher les religions. Une fois de plus, les sociétés hésitent entre les héritages, les nouveautés et les crispations. Qui doit gérer le temps ? comment compter les années ? comment fêter ?