Argumentaire École doctorale
Les usages du Coran
dans les sociétés musulmanes contemporaines
Date 5-9 avril 2021 (arrivée le 04/04 ; départ le 10/04)
Lieu : Tunis
Partenaires principaux : IRMC (USR 3077) et GIS Religions
Partenaires pressentis : CJB (Rabat), Fondation Abd al-Aziz pour les Etudes islamiques (Casablanca), Université de la Manouba, GIS Monde Musulman
Comité scientifique
- Philippe Martin, professeur des Universités, histoire moderne, Université Lyon 2
- Katia Boissevain, chercheure CNRS, anthropologie, IDEMEC, AMU
- Anouk Cohen, anthropologue, CJB
- Imed Melliti, professeur des Universités, sociologue, Université de Tunis al-Manar / IRMC
- Oissila Saaidia, professeur des Universités, histoire contemporaine, IRMC
- Nader Hammami, maître assistant, islamologue
Comité de pilotage
- Philippe Martin
- Anouk Cohen
- Katia Boissevain
- Oissila Saaidia
Public visé
Doctorants européens et maghrébins travaillant sur des thématiques religieuses en relation avec l’islam contemporain (XIXe-XXIe siècles).
Une quinzaine de doctorants seront sélectionnés par appel à candidature lancé en décembre 2020. Les doctorants maghrébins seront entièrement pris en charge par l’IRMC ainsi que l’hébergement des doctorants européens.
Budget prévisionnel
Cf. pièce jointe
Argumentaire scientifique
Les sociétés musulmanes contemporaines sont confrontées, depuis le XIXe, à une recomposition du religieux qui s’exprime aussi bien par des phénomènes de sécularisation que par des processus de « réislamisation ». Si la question de la sécularisation est antérieure au XIXe (cf. les jurisprudences autour du « droit des affaires » pour notamment contourner l’interdit de l’usure), celle de la « réislamisation » remonte, elle, au XVIIIe avec l’émergence du wahhabisme et sa remise en cause de pratiques identifiées à des innovations blâmables (bid‘a). Cette dernière tendance s’accentue au cours du XXe siècle avec l’émergence de discours se revendiquant de la réforme et prônant un « retour » à des pratiques présentées comme celles de l’islam « des origines ». Ces courants se proposent de revenir à ce qui est conçu comme la source par excellence, le Coran. Politiques ou apolitiques, ces nouvelles interprétations de l’islam ont gagné l’ensemble des sociétés musulmanes selon des modalités et des temporalités différentes. Elles connaissent, depuis le dernier quart du siècle, de nouvelles mutations allant de pair avec l’émergence de nouveaux usages du Coran, à un moment où les sociétés étudiées connaissent de profonds changements culturels (progrès d’alphabétisation, hausse du taux de scolarisation, diffusion des nouvelles technologies, accession plus large au savoir), sociaux (extension des droits de la femme), économiques (augmentation de la part de la population active, élévation du niveau de vie) et politiques.
Ces nouveaux usages du Coran et la redéfinition des pratiques religieuses qu’ils induisent sont essentiels à étudier dans la mesure où ils nous informent sur les places variées que le Livre sacré occupe et les relations entretenues avec d’autres textes ou espaces. Par exemple, certains versets du Coran ont fait leur apparition dans des espaces inhabituels comme les murs des rues, les magasins, les marchés, les écoles, sur les voitures en guise de protection, etc. Il en va de même pour la récitation des sourates qui, si elle relève d’un usage ancien comme au moment des prières rituelles, intervient également dans d’autres cadres comme lors des cérémonies officielles non religieuses. Plus encore, ces récitations deviennent le préambule lors de la prise de paroles dans le cadre d’une conférence ou en début de journal télévisé. Aussi, les liens récemment apparus entre chansons profanes et récitations coraniques soulignent la porosité qui réside entre ces deux styles, comme l’illustre bien l’exemple d’Oum Kalthoum formée au chant par la récitation du Coran, à l’école puis à la mosquée, aux côtés de son père.
Enfin, le livre du Coran vendu par milliers à des prix bon marché, se décline sous des formes de plus en plus variées (livres de différentes tailles, reliés ou non, avec ou sans étui, étui en velours ou bien en cuir, pouvant inclure une fermeture éclair ou pas). Depuis quelques années, l’introduction des nouvelles technologies dans la fabrication et la diffusion du livre saint a permis la conception de « gadgets coraniques » à l’origine de nouveaux modèles tels que le Coran aux pages parfumées, le Coran au stylo électronique audio, le Coran numérique, le Coran digital sur les téléphones portables (« smartphone »), ou encore le Coran en ligne, traduit en plusieurs langues (français, anglais, espagnol, allemand, hollandais, berbère, etc.)
Ces observations conduisent à examiner comment ces changements de la pratique coranique s’accompagnent d’une modification du rapport des fidèles au texte, à sa transmission et plus globalement à l’islam.
Cette école doctorale entend examiner les modalités de cette reconfiguration en étudiant les incidences et les recompositions induites par ces nouveaux usages du Coran dans les activités ordinaires des croyants, y compris l’éducation religieuse. Il s’agit de focaliser l’analyse sur l’expérience pratique de manière à rendre compte des mécanismes de l’adhésion et de l’impact de la pratique sur les subjectivités religieuses. Ce choix méthodologique implique d’analyser les formes tangibles à travers lesquelles l’islam se manifeste et de prêter attention aux pratiques individuelles et sociales dont elles font l’objet dans les espaces à la fois publics et privés : habitations, magasins, établissements d’enseignement, moyens de transport, hôpitaux, etc. Il sera aussi question de s’intéresser à la façon dont la circulation du texte coranique aux côtés d’autres livres religieux (comme les hadiths qui rapportent les faits et dits du Prophète, les tafsîr qui désignent l’exégèse coranique ou encore les Qassaïdes qui rassemblent les écrits de Cheikh Amadou Bamba, fondateur du mouridisme, confrérie soufie sunnite) a donné lieu à l’apparition de nouvelles pratiques cognitives telles que l’indexation du texte coranique ou encore la comparaison avec d’autres textes, religieux ou non. Autrement dit, il sera question d’étudier si cette nouvelle capacité aussi bien à parcourir le Coran à tout moment et en toute circonstance, qu’à le lire en relation avec d’autres textes poétiques et/ou religieux permet une approche plus critique du Coran allant de pair avec de nouvelles interprétations.
Cette école doctorale tentera donc de dessiner une autre approche de l’islam, éloignée des représentations et plus proche de l’expérience religieuse et sociale. Cette démarche se veut résolument pluridisciplinaire avec des entrées qui relèvent de l’anthropologie culturelle, de la sociologie et de l’histoire religieuse, mais aussi de la sociologie du politique, de la géographie ou encore de l’exégèse islamique. Elle souhaite également être comparative, en faisant appel aux connaissances de chercheurs et chercheuses travaillant sur des textes et des situations issus des autres religions.
Programme provisoire
Jours 1, 2 et 4
Format
Conférences plénières (2 conférences / jour) + présentation des travaux des doctorants (5 présentations / jour).
Pour ce qui est des conférences plénières, 4 d’entre elles pourraient être consacrées à l’islam mais il faut prévoir deux conférences portant sur d’autres religions ou mouvements religieux comme le christianisme, le judaïsme, etc. afin d’introduire une dimension comparatiste.
Les conférences plénières seront ouvertes au public et notamment aux étudiants inscrits au master des sciences religieuses de l’Université de la Manouba. En revanche, les présentations des doctorants se feront sous forme d’ateliers fermés où seuls les encadrants seront présents et les doctorants dont la candidature aura été retenue.
Thématiques des conférences plénières et/ou conférenciers pressentis
- Mohamed Janjar (?)
- Abdel Majid Charfi (?)
Encadrants pressentis
Les 6 conférenciers + Oissila Saaidia + Philippe Martin + le responsable du master de sciences religieuses de la Manouba + d’autres collègues qui seront identifiés prochainement.
Les conférenciers devraient être encadrants. On ne peut faire appel à des « conférenciers étrangers » et des encadrants « locaux » car cela instaure une hiérarchie désagréable. Étrangers ou locaux, les conférenciers devront être en mesure de rester une semaine ou au moins 3 jours, pour suivre une partie des travaux.
3e jour
Sortie de terrain : visite de la Zitouna, du mausolée de Saïda Manoubia
Après-midi du jeudi : libre ? ou visite de la Cathédrale-synagogue ?
5e jour
Présentation d’ouvrages et d’articles autour de la thématique : Anouk Cohen + autres personnes à solliciter
Présentation de la bibliothèque de l’IRMC
Conclusions de l’école et débriefing
CONFÉRENCE-DÉBAT
LES POUVOIRS DU SACRÉ :
PRENDRE CONGÉ DE LA THÉORIE DE LA SÉCULARISATION ?
HANS JOAS, JOAN STAVO-DEBAUGE ET JEAN-MARC TÉTAZ
PRÉSIDENCE : PIERRE GISEL
LUNDI 23 MARS 2020, 19H-21H
Centre culturel des Terreaux - Rue des Terreaux 14 - 1003 Lausanne
La conférence débat est malheureusement annulée et reportée à une date inconnue. Dès reprogrammation de celle-ci, nous ne manquerons pas de l'annoncer sur le site.
Dans Les pouvoirs du sacré. Une alternative au récit du désenchantement, dont la traduction paraît au Seuil, Hans Joas bâtit une théorie combinant des approches historiques, sociologiques et psychologiques autour de la symbolisation du sacré. Il y montre les difficultés que pose le « grand récit » du désenchantement et souligne que le succès de ce récit est lié à une conception de la modernité comme produit d’évolutions unilinéaires. Il suggère de le remplacer par une histoire différenciée des sacralisations et désacralisations, un processus dans lequel l’avènement de la transcendance joue un rôle central. Il rouvre la question des rapports entre sacré et pouvoirs et propose de nouvelles perspectives pour comprendre tant la persistance que les transformations du sacré dans le monde contemporain.
La soirée est articulée à un colloque de l’Unil les 25 et 26 mars 2020, Le sacré entre pouvoir et désenchantement : quand Joas désenchante Weber, organisé par Ph. Gonzalez et J. Ehrenfreund, et en prolonge un autre, Le sacré en questions. Sacralisation ou désenchantement ? organisé à Paris les 19-20 mars par Sciences-Po, le Centre Sèvres (jésuite), l’École Normale Supérieure, ainsi que le Fonds Ricœur.
Hans Joas est sociologue et professeur des Universités de Berlin et Chicago. Son travail fait dialoguer les sciences sociales et la philosophie. Encore peu connu en francophonie, il commence à y être discuté et va finir par s’imposer comme une référence incontournable. Ont déjà paru en français Comment la personne est devenue sacrée. Une nouvelle généalogie des droits de l’homme (Labor et Fides 2016, prix Ricoeur) et La créativité de l’agir (Cerf 1999).
Joan Stavo-Debauge est sociologue et travaille à l’Unil et à l’Epfl. Il est spécialiste de l’espace postséculier et des réaffirmations religieuses qui s’y profilent. Il a traduit et introduit le livre de John Dewey Écrits sur les religions et le naturalisme (Genève, IES, 2019).
Jean-Marc Tétaz est philosophe et théologien. Il a notamment traduit deux ouvrages de Joas :Les pouvoirs du sacré (2020) et La foi comme option. Possibilités d’avenir du christianisme (à paraître en 2020). Il est fellow au Max-Weber-Kolleg (Erfurt) et enseigne à la Faculté de théologie de l’Université de Iéna.
Pierre Gisel est professeur honoraire de l’Unil. Il a récemment publié Sortir le religieux de sa boîte noire (Labor et Fides 2019).
En Pj : flyer de la conférence-débat