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Fidèle à l’orientation qui avait guidé le choix de la Tradition lors de son précédent Congrès, le GIS propose cette année : Soigner, guérir. Les mesures de lutte contre la pandémie actuelle ont montré une nette tendance à réduire l’humain à sa dimension organique, au nom de l’objectif de protection de la santé. Si « le sens de la vie ne gît pas dans nos organes, mais procède nécessairement d’une Référence qui nous est extérieure » (Alain Supiot), s’interroger sur cette « Référence » ouvre un champ de réflexion sur l’articulation entre le religieux et le séculier, la façon dont ils se saisissent des corps malades – ou considérés comme tels. De nombreuses disciplines sont mobilisées : histoire, philosophie, théologie, anthropologie, sociologie…

« Soigner, guérir » : soit un ou des objets qui ne soient pas en tant que tels inscrits dans le champ religieux, bien que la médecine en soit très longtemps restée inséparable, mais pour lesquels les sciences du religieux puissent offrir une multiplicité d’éclairages, hérités de l’histoire comme recueillis dans le monde contemporain.

Cette nouvelle thématique se développe selon quatre axes majeurs :

  1. Epidémies et boucs émissaires :
    Comment une société peut-elle comprendre l’épidémie et la pandémie ? sont-elles des punitions divines ? résultent-elles de conspirations secrètes ? Longtemps ces thématiques ont agité les esprits. La peste noire était la réponse aux péchés des hommes ou la faute de minorités, spécialement les juifs. Sans cesse le discours entre pensée religieuses et conceptions médicales, ou hygiénistes, s’affrontent et se complètent.

  2. Maladies et Possessions :
    Si la pandémie est une punition divine, les maladies individuelles sont-elles le résultat des manoeuvres du démon ? Lier affection et causes mystérieuse est un réflexe ancien. Longtemps, l’épilepsie a été considérée comme le mal divin capable de faire pénétrer dans une dimension exceptionnelle. Mais, le plus souvent, le démon semble à l’oeuvre : exorcismes, rites de purification, recours aux pèlerinage…

  3. Face à la souffrance et aux vulnérabilités :
    Les religions ne se contentent pas de tenter d’expliquer la maladie et la souffrance, les Eglises luttent concrètement pour en atténuer les effets. Elles ouvrent des hôpitaux, engagent leurs membres aux côtés de ceux qui souffrent.

  4. Rites et croyances :
    Se tourner vers le Ciel pour obtenir la santé est un geste ancien : prières ou rites magiques veulent attirer sur le fidèle la protection ou la guérison.

 

Sauf indication contraire, les réunions ont lieu dans les locaux de la MILC
Maison Internationale des Langues et des Cultures
35 Rue Raulin, 69007 Lyon

Chaque demi-journée s’organise de la manière suivante :

  • une conférence plénière dans l’amphithéâtre de la MILC
  • des table-rondes (les salles seront précisées le jour même)

Il est prévu un enregistrement vidéo de tous les intervenants ; ces captations constitueront le matériau d’un webdocumentaire qui rendra compte de ce congrès. Un studio est installé dans les locaux de la MILC. Les intervenants recevront un tableau pour les heures de passage. Pour un exemple de ce type de production, voir http://superstition.huma-num.fr/


A cause de la situation sanitaire, nous devons prendre quelques précautions : présentation du pass-sanitaire (ou d’un autre document demandé par les autorités sanitaires) à l’entrée du lieu du colloque.


Comité d’organisation : Béatrice CASEAU ; Pierre Antoine FABRE ; Anne FORNEROD ; Corinne FORTIER ; Frédéric GABRIEL ; Hervé GUILLEMAIN ; Philippe MARTIN ; Stefano SIMIZ

Renseignements : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

 

CONGRES DU G.I.S. RELIGIONS – PRATIQUES, TEXTES, POUVOIRS   

SOIGNER, GUÉRIR

 

Programme

13 OCTOBRE 2021

10h-12h, Ucly – Campus St Paul, 10 place des archives / Amphi Aubier

RELIGIONS ET SOINS : LE CAS LYONNAIS (XVIE – XIXE S.)

Atelier organisé par le LARHRA, avec la participation de : CHOPELIN Paul (Université Lyon 3), FAURE Olivier (Université Lyon 3)

14h–17h, MILC

FILMER LE MAL OU/ET LE MALADE

Session présidée par Corinne FORTIER (CNRS-LAS)

Emma AUBIN-BOLTANSKI (CNRS-EHESS, Paris) : Catherine ou le corps de la passion (57 mn)

Catherine ou le corps de la Passion dresse le portrait d’une femme hors du commun, originaire de la montagne libanaise. À la fois mère de famille et mystique, elle poursuit le projet de devenir une sainte. Chaque Vendredi saint, elle revit simultanément la Passion du Christ et les douleurs de Marie. Icône vivante, elle est offerte au regard et au toucher de centaines de fidèles. Elle brouille les frontières entre sacré et profane, féminin et masculin, parent et enfant, passé et présent, image et personne.

Jacques LOMBARD (IRD, Paris) et Michèle FIELOUX (CNRS, Paris) : Le Prince charmant (43 mns).

Les communautés de possédés, lieux de parole, d'entraide, de convivialité qui foisonnent aujourd'hui à Madagascar dans des villes en pleine expansion, sont un révélateur des difficultés de la vie moderne rencontrées par les nouveaux citadins. Clairette responsable d'une de ces communautés, nous raconte comment elle est devenue une tromba possédée par le Prince Raleva, originaire d'un royaume au nord-ouest de Madagascar. Puis Clairette nous laisse entrer dans sa vie la plus intime où, à travers un constant dédoublement de sa personne, tour à tour elle-même ou le Prince, elle soigne, conseille, calme les personnes les plus diverses, notables influents, chômeurs, étudiants, modestes travailleurs ou femmes abandonnées.

18h, Musée des Confluences / Lyon

RELIGIONS ET COVID

Conférence sur LES RELIGIONS FACE A LA COVID par Philippe Martin (Université Lyon 2)

La crise de la Covid permet d’interroger le rapport des religions avec la maladie, les soins, l’intervention divine dans le monde… A partir de divers exemples pris dans de nombreux pays du monde, cette conférence interrogera :

  • La manière dont les religions pensent la pandémie
  • Les réactions des Eglises face aux mesures de confinement
  • Les stratégies développées par les croyants pour faire face à l’angoisse et au mal
14 OCTOBRE 2021

9h-12h.
SESSION I : EPIDEMIES ET BOUCS EMISSAIRES

L’épidémie est d’une certaine manière au corps collectif ce que la possession est au corps particulier : il faut en expulser le mal – qui pourra être le juif, par exemple, ou le chinois et ses habitudes alimentaires, pour faire écho à la scène contemporaine). Ou alors le mal que l’on porte en soi et qui a fait le lit de l’épidémie : il faudra expier, dénoncer ses péchés. Mais le coupable a longtemps pu être aussi l’environnement : l’air vicié, dans les mondes antiques, par exemple, qui identifient la mauvaise odeur comme la source du mal, mais aussi, à l’époque contemporaine, la pollution sous toutes ces formes.
L’histoire des grandes épidémies, qui ont souvent traversé les continents, est un faisceau de lumière pour une comparaison des formes d’expurgation du corps social selon les systèmes de pensée et de croyance. La pandémie actuelle ouvre ici un terrain d’analyse dramatiquement nouveau par son ampleur.

Conférence
Anne Marie MOULIN, (CNRS/université de la Sorbonne), Paris

La judiciarisation contemporaine du domaine médical permettait aisément de prévoir la multiplication des plaintes des malades et de leurs proches contre l’État, responsable d’un manque d’anticipation devant les maladies émergentes, ainsi que d’une gestion sanitaire discutable dans les établissements de soins. Ces plaintes prévisibles ont été déposées, elles s’élèveraient à plusieurs centaines. Comme il était aussi prévisible, la justice va incriminer les décideurs à des échelons variables de la hiérarchie, mettant en cause le gouvernement au plus haut niveau.

Sans commettre d’anachronismes flagrants, il est loisible de montrer qu’au cours de l’Histoire, les autorités ont toujours improvisé des rituels visant à détourner la punition divine pour des fautes à identifier. Je retracerai rapidement l’histoire des boucs émissaires et de leur traitement tragique au cours des épidémies de peste et de choléra dont des épisodes seront présentés dans la table ronde. Ce traitement a été souvent exécuté par la foule, avec l’assentiment des autorités, soulagées de voir s’éloigner leur mise en cause et en même temps inquiètes des débordements et des revendications se faisant jour à l’occasion de l’épidémie.

Le phénomène du bouc émissaire, apparemment laïcisé de nos jours, attire l’attention sur le lien fort entre la lutte contre la maladie collective et le sacrifice d’une victime désignée de façon plus ou moins officielle pour porter « les péchés du monde ». Le thème du bouc émissaire lors des épidémies s’inscrit donc parfaitement dans la perspective du colloque sur les liens entre religions et pouvoir de soigner et de guérir.

Atelier

  1. Danièle IANCU-AGOU (CNRS) : La peste et les juifs dans le Midi (XIVe-XVe siècles)
    Je ne veux pas uniquement m’étendre sur l'épisode lacrymal des émeutes anti-juives greffées sur l'épidémie de 1348, en Haute Provence en particulier, à Toulon ou Saint-Rémy ; sans compter les tourbillons de massacres survenus dans la vallée rhénane, atteignant une minorité distincte, offrant l’exutoire commode de « boucs émissaires », avec les lépreux du reste. Prétendus semeurs de peste - ils partageront avec ces derniers – triste privilège – les accusations d'empoisonnement des puits. Je souhaite m’appesantir surtout sur la vie quotidienne en ces temps-là de pandémie, avec les jours et les heures difficiles vécues par des individus, juifs ou chrétiens, minoritaires tolérés ou majoritaires, confrontés à un fléau qui fit des ravages dans leurs rangs. On pourra de la sorte évoquer des médecins juifs avignonnais qui soignent des cas de peste, qui traitent à l’hôpital, composent des remèdes, ferment les lieux touchés par l’épidémie, inhument leurs défunts ; parce qu’on devra citer aussi quelques victimes juives de la maladie, nommément désignées.

  2. Léo BERNARD (EPHE, Université PSL) : Une vision holiste des épidémies. Astrologie, cosmobiologie et courants ésotériques durant l’entre-deux-guerres
    Concernant la question épidémique, la défiance exprimée par les médecins holistes de l’entre-deux-guerres vis-à-vis du « pasteurisme » et de la théorie microbienne s’accompagne d’un intérêt marqué en faveur de la théorie des influences astrales. La cosmobiologie établit en effet des corrélations entre les fluctuations rythmiques de l’activité solaire et l’apparition d’épidémies, mais également avec certaines configurations astrologiques, en écho à l’essor que connaît l’astrologie à cette période.

  3. Jean-Marie VILLELA (Université de Lorraine) : Qui m’a touché (Luc, 8,45) ? Pandémie, contacts et religion
    Avec la Covid-19, nous sommes tenus de respecter une "distance sociale" : le contact humain, base de la relation interpersonnelle et de la vie en société est ici facteur de risque. Mais si le toucher peut être source de vulnérabilité, il est également annonce de guérison ou d’apaisement. Du toucher qui tue au toucher qui soigne, c’est le chemin de la sollicitude qui est ici tracé.

  4. Jeanne DAMIEN (Normandie Université) : Dedans avec les miens, dehors en citoyen : les marques du sacré en temps de maladie. Lèpre, peste et Sars-CoV-2.
    Dans les sociétés archaïques une crise sacrificielle multiforme (pénuries de nourriture, d’épizooties et/ou d’épidémies à répétition) menaçait de dislocation la société tout entière. Cette dernière trouvait alors de manière spontanée un être qu’elle croit responsable de tous ses maux. Lynchée par la foule unanime, la victime était ensuite divinisée pour avoir rétabli l’ordre. Difficile de penser qu’un tel schéma puisse se reproduire dans les sociétés médiévale, moderne et contemporaine. Pourtant, à la faveur de la lèpre la peste ou de la Covid-19, malades et soignants déclenchent aussi bien des formes de compassion, que des rejets dont le processus ressemble de manière atténuée à celui du bouc émissaire.

14H-17H.
SESSION II : MALADIES ET POSSESSIONS

La possession du corps des humains par des puissances surnaturelles est un phénomène aussi ancien que ses formes ont été multiples au cours du temps et dans divers univers religieux. Il convient aux religieux de discerner ce qui relève de la maladie « naturelle » ou de la possession. La concurrence sur ce terrain des médecins et des « prêtres » quels qu’ils soient est du reste une histoire de longue durée jusqu’à aujourd’hui.
Il a d’ailleurs été souvent à la frontière de différents univers, quand l’exorciste convertit en guérissant ; l’exorciste, ou le c, quand il convertit aux lumières humaines.

Conférence
Retours sur La possession de Loudun de Michel de Certeau (1970)

Table-ronde avec Christian JOUHAUD (EHESS, Paris), Denis PELLETIER (EPHE, Paris) et Pierre-Antoine FABRE (EHESS, Paris)
En 1632, la ville de Loudun est victime de la peste. Elle devient le théâtre d’un affrontement de tous les pouvoirs, dont celui du diable, qui assiège le couvent des Ursulines et devient le centre de la crise. Trois historiens reviennent aujourd’hui sur le livre-puzzle que Michel de Certeau consacre à cet événement en 1970, peu après 1968 et dans une période où le travail de Certeau, spécialiste du XVIIe siècle, s’oriente vers l’analyse des sociétés contemporaines.

Atelier 1 – Possession, visions et exorcisme
Présidence par Olivia LEGRIP (Université Lyon 2)

  1. Eléonore CARO (EHESS, Paris) : Maladie, possession et exorcisme à l’époque du premier empereur de Chine
    La thématique du congrès « Soigner, guérir » sera abordée dans notre intervention du point de vue de la Chine antique, à travers des textes médicaux excavés, datés de la première dynastie impériale chinoise (221-206 AEC). Notre présentation portera d’abord sur la conception de la maladie, pour laquelle nous noterons la prépondérance d’une étiologie ancestrale ou démoniaque se traduisant par la possession du malade ; ensuite, nous aborderons les méthodes de guérison, qui dans le cas des possessions, prennent la forme d’exorcismes. Finalement, nos sources permettent d’étudier les praticiens de cette médecine rituelle, et de comparer les méthodes présentées aux idées véhiculées dans la littérature transmise.

  2. Christian GRAPPE (Université de Strasbourg) : « L’aveugle de Bethsaïda, Pierre et l’aveugle Bartimée ou l’aveugle du village, l’aveugle qui s’ignore et l’aveugle clair-voyant : trois personnages en réseau au coeur de l’Évangile selon Marc ».
    L’Évangile selon Marc ne contient que deux guérisons d’aveugles (Mc 8,22-26 ; 10,46-52), de part et d’autre de sa section centrale, la séquence narrative du chemin (Mc 8,27–10,52), scandée elle-même par trois annonces par Jésus de sa Passion, suivies chacune par une discussion qui atteste l’aveuglement persistant des disciples qui s’obstinent à vouloir occulter l’horizon de la Passion. Les micro-récits respectifs de la guérison de l’aveugle de Bethsaïda et de l’aveugle Bartimée s’opposent en tout point. Le premier montre Jésus venir à bout de la cécité en déployant une pédagogie que caractérisent la prise en compte d’un aveuglement persistant, l’écoute, la restitution de la parole avant même celle de la vue et la patience. Le second le dépeint confronté à un personnage qui devance son appel et outrepasse ses recommandations pour figurer une forme de disciple idéal. Mis en réseau, les trois personnages de l’aveugle de Bethsaïda, de Pierre et de l’aveugle Bartimée, illustrent les enjeux et les modalités diverses d’accès à la « suivance », thème fondamental de l’Évangile selon Marc.

  3. Iacopo COSTA (CNRS) : États de la chair et visions (XIIIe siècle)
    La communication porterait sur des textes à caractères mystique et théologique (issus notamment de l'école franciscaine), ayant pour objet la relation de différents états du corps avec des phénomènes « exceptionnels » tels que visions, révélations, raptus etc

  4. Ludovic VIALLET (Université Clermont Auvergne) : Soigner le sorcier ? Discours religieux et discours médical sur le crime de sorcellerie (XVe siècle – début XVIe siècle)
    On partira de quelques lignes du Dyalogus in magicarum artium destructionem de Symphorien Champier (Lyon, Chez Guillaume Balsarin, v. 1500) dans lesquelles le médecin lyonnais évoque la façon dont on doit considérer les hommes et les femmes accusés de sorcellerie et qui, eux-mêmes, trompés par la « vertu imaginative » dont use la ruse du diable, sont persuadés d’avoir participé au Sabbat et commis des maléfices. À travers un large XVe siècle, de Jean Gerson à Champier en passant par les médecins Jacques Despars et Johann Hartlieb ou le dominicain Jean Nider (Formicarius, v. 1437), on aimerait scruter, en regardant de quelle façon ils ont pu converger ou diverger, deux types de discours sur la sorcellerie : d’une part, le discours (« religieux ») de quelques-uns des principaux acteurs des débuts de la répression du crime de sorcellerie, théologiens et juges qui furent souvent des réguliers issus ou proches des mouvements réformateurs ‘observants’ ; d’autre part, celui (‘médical’) de quelques auteurs actifs dans le champ de la médecine et qui ont consacré tout ou partie d’un traité à la sorcellerie démoniaque. Une telle confrontation peut être source d’enseignements : sur la genèse du crime de sorcellerie, certes (en une cristallisation de croyances), sur la spectaculaire féminisation des victimes de cette accusation entre les années 1430 et 1500, mais aussi sur la mise en oeuvre d’un questionnement relatif à la fragilité humaine et la maladie mentale, donc à la nécessité, plus que jamais, du discernement.

  5. Jean-Baptiste EDART (Université Catholique de l’Ouest, Angers) : Le psychiatre et l’exorciste. Étude du parcours du docteur Alain Assailly (1909-1999)
    Le docteur Alain Assailly, psychiatre, expert pendant 40 ans auprès d’exorcistes a réfléchi sur la nature de l’emprise démoniaque et sur le positionnement du médecin face au discernement spirituel posé par le prêtre exorciste. L’exposé de cette réflexion, inédite, et sa confrontation au discours des préliminaires du rituel catholique de l’exorcisme permettra de porter un regard pluridisciplinaire sur cette réalité et de mieux en percevoir la nature.

  6. Régine HUNZIKER-RODEWALD (Université de Strasbourg) : Le Roi Saül dansant de Johann Jacob Scheuchzer.
    Parmi les exemples de réception de 1 Samuel 16,23, la scène dans laquelle David joue de la lyre devant Saül pour soulager le roi effrayé par un esprit, un motif sort de l’ordinaire : le roi Saül n’est pas assis sur son trône, affalé et crispé, comme il le fait habituellement pendant que David joue des cordes, mais il danse ! Cette présentation se trouve dans la Physica Sacra du polymathe zurichois Johann Jacob Scheuchzer (1672-1733). À l’arrière-plan de l’interprétation de Scheuchzer figure celle d’Athanasius Kircher (1602-1680) qui, déjà dans sa Musurgia universalis de 1650, discute l’effet de la musique sur Saül dans le contexte des tarantati insensés. Le modèle explicatif par rapport au tarentisme se situe à la transition entre les représentations, riches en figures, des éclats de colère de Saül au XVIe/XVIIe siècle et les représentations plus tardives, réduites en détails, de l’agitation intérieure de Saül. Notre regard sur Scheuchzer et son interprétation de 1 Samuel 16,14-23 touche aussi, entre autres, le phénomène des épidémies de danse collectives du XVIe siècle, par exemple à Strasbourg (1518).

Atelier 2 – Médecine, magie et miracles
Présidence : Pierre-Antoine FABRE

  1. 1. Sylvie LABARRE (Université Le Mans/LEM) : Maladie et guérison dans des récits de miracles entre antiquité et Moyen Âge : le rôle de l’objet et le sens du contact
    Le christianisme apparaît comme une « religion de la guérison » (Mt 25, 36). Le Christ est représenté comme médecin (medicus). Dans la Gaule du VIe siècle, Grégoire de Tours est un témoin privilégié de la maladie et de la guérison, évêque, auteur de recueils de miracles et de livres historiques, thaumaturge lui-même parfois, malade souvent. Il nous livre des récits précis où interviennent médecins ou mages, mais ce sont bien plutôt les saints qui procurent la guérison par leur puissance (virtus) posthume. Les pèlerinages auprès du tombeau du saint (particulièrement celui de Martin à Tours) sont l’occasion pour les malades de venir toucher la divinité. Des objets assurent la transition entre le malade et le saint : des reliques, mais aussi d’autres objets plus insolites. Tous ces miracles sont interprétés comme un perpétuel renouvellement des miracles opérés par les prophètes de la Bible, le Christ et les saints à sa suite (Jn 14, 12).

  2. Eve FEUILLEBOIS (Sorbonne Nouvelle Paris 3) : Maux de l’âme et médecine spirituelle : les regards croisés d’un philosophe et d’un mystique musulmans au Xe siècle.
    Au Xe siècle, dans l’Orient musulman, philosophes et mystiques construisent une « médecine de l’âme », basée sur l’observation des vices de celle-ci et leur correction par l’éducation, la connaissance et la modération. Pourtant, ils ne s’inspirent pas des mêmes sources, ni ne poursuivent le même but. Les premiers s’appuient sur l’éthique grecque et visent à atteindre l’ataraxie et le bonheur ; les seconds recourent au Coran et à la Tradition prophétique, et recherchent le salut de l’âme et la connaissance de Dieu. Nous confronterons deux textes relativement brefs, La Médecine spirituelle (al-Ṭibb al-rūḥānī) du médecin et philosophe Abū Bakr al-Rāzī (m. 313/925) et Les maladies de l’âme et leurs remèdes (‘Uyūb al-nafs wa mudāwātuhā) du mystique et soufi Abū ‘Abd al-Raḥmān al-Sulamī (m. 412/1021). Nous nous efforcerons de démontrer qu’en dépit de ressemblances superficielles, la réflexion éthique qui les sous-tend et le public auquel ils s’adressent sont radicalement différents, ce qui a d’ailleurs conditionné le destin respectif des deux courants de pensée qu’ils représentent.

  3. Caroline SIMONET (Université de Caen) : Des pierres magiques pour soigner. Gemmes et prophylaxie au Moyen Âge
    Les auteurs médiévaux accordent des vertus particulières aux pierres fines, notamment celles qui sont gravées. Parmi ces vertus se trouve leur capacité à protéger contre des maux les plus divers, voire à en guérir. On considère alors que ces pierres offrent plus de protection si elles sont portées par le malade, idéalement à même la peau, aussi nombre d’entre elles sont montées en bijoux, combinant attrait de l’ornement précieux et prophylaxie. Devenues talisman, les intailles ornent aussi les sceaux dont certaines inscriptions confirment la qualité magique et protectrice accordée à ces gemmes. Loin d’être l’apanage de la seule sorcellerie malfaisante, la magie revêt au Moyen Âge une dimension protectrice, en lien avec les pratiques chrétiennes.

  4. Corinne FORTIER (CNRS-LAS) : Traités de médecine maure : entre médecine humorale hippocratico-galénique, médecine prophétique, et pratiques magico-religieuses
    Il existe en Mauritanie des traités de médecine écrits en arabe par des lettrés appartenant à des familles de médecins. Le premier a été écrit au XIXe siècle par un lettré maure, Awfa, auteur d’Al-‘Umda soit La Base, et le second, du XXe siècle, dont l’auteur est Maqari, est intitulé le Recueil des vertus de la médecine ancienne. Ils servent encore aujourd’hui de manuels de référence aux deux grandes familles de médecins traditionnels exerçant en Mauritanie. Ces traités de médecine s’inscrivent dans la continuité d’une médecine humorale hippocratico-galénique et arabe (Avicenne, Razi…), tout en s’inspirant également de la médecine islamique dite prophétique ainsi que de pratiques magico-religieuses.

  5. Julie BRUNEL (Université Lyon 2) : Miracles sur les chemins de Compostelle
    La littérature hagiographique et les légendes espagnoles sont émaillées de récits de guérisons miraculeuses accomplies par l’apôtre saint Jacques. Protecteur des pèlerins en route vers son sanctuaire à Compostelle, saint Jacques est un thaumaturge dont les miracles sont très reconnus au Moyen Âge et à l’époque moderne. Il s'agit de découvrir ici quelles sont les conditions pour voir surgir le miracle et comment les guérisons miraculeuses ont façonné en France et en Espagne notre imaginaire du pèlerinage de Compostelle et de son saint patron l'apôtre Jacques.

20h30-23h30 : Cinéma le Zola, 117 COURS E. ZOLA / VILLEURBANNE
SEANCE CINEMA : L’EXORCISTE
Projection et débat animé par les membres du GIS

15 OCTOBRE 2021

9h-12h.
SESSION III : FACE A LA SOUFFRANCE ET AUX VULNERABILITES
Des ordres hospitaliers à la présence du religieux dans les institutions médicales

Le cadre institutionnel des soins prodigués renvoie à des luttes d’influence qui appartiennent largement au passé, comme en témoignent aujourd’hui l’appréhension patrimoniale de l’héritage des congrégations hospitalières ou l’assistance spirituelle dans les établissements de santé. Elles sont toutefois susceptibles de se prolonger dans d’autres espaces de discussion des enjeux éthiques de la médecine.

Conférence
Etienne THÉVENIN (Université de Lorraine) : Regards et pratiques chrétiennes face à la souffrance : aider à survivre ou permettre de vivre ?

Même s’ils ne sont pas les seuls à le faire, les chrétiens sont nombreux, depuis les débuts du christianisme, à réagir à la souffrance humaine pour tenter de la soulager. Pourquoi ? Y a-t-il une spécificité de la démarche chrétienne face à la souffrance ? Notre réflexion privilégie la prise en compte de la souffrance physique même si elle ne s’y réduit pas. S’agit-il « seulement », pour les chrétiens, de sauver des vies humaines, de repousser la mort ? Qu’est-ce qui caractérise une démarche de soins vis-à-vis de personnes souffrantes initiée par des chrétiens ? Deux raisons majeures poussent les chrétiens à se préoccuper de la souffrance, celle des autres autant sinon plus que la leur.

Atelier 1 - Paroles, textes, écoutes et débats
Coordination Etienne Thévenin (Université de Lorraine)

  1. Catherine GUYON (Université de Lorraine) : Le recours aux saints pour soulager les souffrances : l’exemple de sainte Catherine d’Alexandrie (récits de miracles et représentations iconographiques en Occident, XIe-XVe siècle)
    Face aux maladies le recours aux saints, particulièrement fréquent eu Moyen Âge, a suscité la rédaction d’abondants récits de miracles dominés par de guérisons qui constituent des sources dont l’ouvrage fondateur de Pierre-André Sigal (L’homme et le miracle dans la France médiévale (XIe-XIIe siècles), Paris, Cerf, 1985) a montré toute l’importance. Ces travaux ont, depuis, été prolongés par les publications de nombreux autres chercheurs. Si ces récits souvent haut en couleur permettent d’appréhender le culte des saints, le statut du miracle et des reliques et le rayonnement des sanctuaires de pèlerinage, ils sont aussi révélateurs de la place donnée au corps dans l’Occident médiéval chrétien, au souci de soulager les souffrances et aux interactions entre démarche spirituelle et actes médicaux. Les exemples seront pris dans un corpus de documents des XIIe-XVe siècles (récits de miracles et représentations iconographiques) de sainte Catherine d’Alexandrie, vierge martyre du IVe siècle, connue comme protectrice des universitaires, des femmes en quête de spiritualité, des hommes en
    armes et des prisonniers, mais qui est aussi une puissante thaumaturge assurant des guérisons tant par la manne, l’huile qui s’écoule de son tombeau au Sinaï et de certaines de ses reliques, que lors d’interventions au cours de songes en relation avec ses sanctuaires occidentaux de Rouen et de Fierbois. Ces guérisons lui ont valu d’être l’une des saintes patronnes de la prestigieuse école de médecine de Salerne au XIIe siècle, ainsi que d’une bonne cinquantaine d’hôpitaux en Europe au XVe siècle.

  2. François SEICHEPINE (Université de Bourgogne) : Réconforter et instruire les âmes ou guérir les corps ? Les mutations des bibliothèques hospitalières au XVIIIe siècle à travers les exemples d’établissements de Bourgogne, du Dauphiné, de Franche-Comté et du Lyonnais
    Avant tout destinées aux communautés soignantes (tant féminines que masculines), les bibliothèques hospitalières s’inscrivent, en dépit de leur relative rareté, dans l’histoire des collections religieuses du XVIIIe siècle. Ce sont généralement des donations pieuses, où priment les ouvrages édifiants et de dévotion particulière, avec quelquefois des oeuvres jansénistes. A la fin du XVIIe siècle, alors que les héritages médiévaux disparaissent (Hôtel-Dieu de Beaune) ces collections connaissent des transformations majeures, avec l’apparition de nouveaux lieux et de nouveaux usages. On découvre dans les apothicaireries des livres de pharmacopée, dont la lecture est l’exclusivité de soeurs à qui on accorde toute latitude dans la préparation des remèdes. Toutefois, ces collections connaissent aussi le poids des habitudes. Les ouvrages de pharmacopée sont rarement renouvelés. Les livres pour entretenir la foi sont même vendus ou partent au rebut avant même les confiscations révolutionnaires. La seule véritable originalité de cette enquête se trouve à l’hôpital de la Charité de Grenoble, où les Frères se constituent une bibliothèque encyclopédique pour enseigner la chirurgie. Riche de plusieurs centaines de volumes, avec des titres à la pointe de la recherche médicale, celle-ci contribue à la renommée de l’établissement grenoblois, lieu étonnant par la multiplicité des lieux dédiés aux livres et par la diversité des thèmes.

  3. Céline BERAUD (EHESS) : A la recherche du travail des aumôniers catholiques à l'hôpital
    Avant d’être un investi par la médecine, l’hôpital a longtemps été un lieu de charité et d’édification morale. Jusqu’aux années 1870, l’« omniprésence cléricale » (Guillemain, 2006) ne semble pas poser problème. Les membres des congrégations religieuses, de femmes en particulier (Langlois, 1984 ; Jusseaume, 2016) ont joué un rôle très actif dans les établissements de santé. La séparation des Eglises et de l’Etat ne bouleverse pas radicalement la donne (Lalouette, 2006). La laïcisation de l’hôpital, de ses personnels et de ses locaux, est loin d’avoir été aussi brutale qu’à l’école. Que reste-t-il aujourd’hui de cet héritage catholique à l’hôpital, outre l’architecture de certains établissements et le nom que portent encore certains ?
    A partir d’une enquête de type ethnographique menée en 2014-2016, complétée par une seconde recherche actuellement en cours, c’est en se centrant sur les aumôniers que l’on se propose de saisir la place actuelle du catholicisme dans cette institution. Quelles tâches prennent encore en charge les 840 aumôniers catholiques salariés en France par des établissements publics de santé auxquels s’ajoutent une bonne centaine de bénévoles ? Comment ces hommes et surtout ces femmes ont-ils ajusté leurs interventions à la diversité de la population usagère du service public de santé, population décrite comme sécularisée et/ou marquée par la pluralité religieuse ? Que produit la féminisation du groupe des aumôniers en la matière ? Quelle place occupent-ils dans la division du travail hospitalier ? Les pratiques d’écoute et d’accompagnement semblent aligner l’activité des aumôniers
    catholiques sur des modèles profanes. L’analyse en terme de sécularisation interne (Isambert, 1976) n’apparaît cependant pas suffisante pour rendre pleinement compte de l’activité de ces intervenants et intervenantes qui produisent également du religieux en situation, notamment lorsqu’ils contribuent au « bien mourir » à l’hôpital (Castra, 2003 ; Cadge, 2014 ; Martinez-Arino & Griera, 2016).

  4. Séverine MATHIEU (EPHE) : Autorités religieuses à l’épreuve du soin : réviser les lois de bioéthique
    Depuis 1994, en France, les lois de bioéthique encadrent différentes pratiques médicales, telles que la Procréation médicale assistée (PMA) ainsi que l’utilisation des embryons surnuméraires issus de Fécondation in vitro (FIV). En sorte que, en matière de production des normes éthiques, les rapports entre États et religions évoluent, sans qu’un compromis ne parvienne nécessairement à s’établir, comme en témoigne la toute récente mobilisation de l’Église catholique contre l’ouverture de la Procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Cette communication se propose d’explorer la façon dont les religions se mobilisent, ou non, à propos de la bioéthique, montrant ici comment elles entendent, ou non, se mettre en situation d’autorité morale, en mettant en avant des normes religieuses qu’elles présentent comme universelles. Elle se fonde sur une enquête sociologique de type ethnographique qui repose sur deux formes de matériaux. D’une part des observations réalisées lors des États généraux de la bioéthique qui se sont tenus entre janvier et mai 2018 et d’autre part, une analyse des propositions faites sur le site des États généraux de la bioéthique, ouvert entre janvier et juin 2018. Sont également exploitées des interventions dans des médias et les documents produits par les institutions religieuses. En matière de bioéthique, subsistent ainsi des luttes d’influence entre cadre institutionnel et religions qui se prolongent dans d’autres espaces de discussion des enjeux éthiques de la médecine. Cette revendication d’une autorité morale est à comprendre également dans le contexte de sécularisation où les normes religieuses précisément ne constituent plus la référence principale. Dans ce contexte, prendre la parole sur les questions de bioéthique, c’est réaffirmer une autorité morale dans un monde sécularisé.

Atelier 2 – Bâtiments, institutions et « lieux »
Coordination Stefano Simiz (Université de Lorraine)

  1. Edouard KLOS (Université Lyon 2) : Soigner, Isoler, exclure les infirmes dans une abbaye cistercienne à l’époque moderne (Clairvaux, XVIIe-XVIIIe siècle)
    La communauté cistercienne de Clairvaux, que nous nous proposons d’étudier à l’époque moderne, a mis en place une infirmerie pour accueillir les profès ou les convers touchés par des maladies ou des « infirmités ». Sa localisation est bien identifiée : à l’écart des bâtiments monastiques, elle a été entièrement reconstruite (et bien décrite à cette occasion) à la fin du XVIIe siècle, avant d’être déplacée quelques années plus tard lors de la reconstruction fastueuse de Clairvaux à partir de 1709. La règle y est adaptée et les conditions de vie plus confortables (chambres individuelles, repas plus copieux). Pour les maladies chroniques, l’abbaye autorise également certains profès à sortir du monastère pour rentrer auprès des leurs ou encore, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, à « prendre les eaux » aux frais de l’abbaye. Pour autant, la présence d’infirmes au sein de Clairvaux pose question. Aussi, décourage-t-on des profès de Clairvaux, envoyés dans d’autres monastères cisterciens ou qui occupent une place de curé dans des paroisses alentour, de revenir à l’abbaye s’ils sont en mauvaise santé. La bonne forme des novices est enfin scrutée par la communauté qui n’hésite pas à s’opposer à son abbé si l’un des postulants apparaît de constitution trop fragile à leurs yeux pour intégrer le monastère en tant que profès. Ainsi, prendre soin des malades et des infirmes semble plus souvent considéré comme une lourde charge qui réduit l’homogénéité de la communauté, que comme un devoir charitable.

  2. Bruno MAES (Université de Lorraine) : Malades et soignants dans l’Ordre hospitalier des Frères de Saint-Jean de Dieu (1572-1790)
    Les Ordres hospitaliers nés avec la réforme catholique du XVIe siècle sont mal connus, contrairement à ceux de l’époque médiévale. À l’époque moderne, le recrutement social des Frères hospitaliers est plus modeste, en particulier dans un ordre fondé à Grenade en Espagne par Jean de Dieu, contemporain d’Ignace de Loyola, converti après avoir écouté un sermon de saint Jean d’Avila en 1537. Cette conversion l’avait rendu fou quelques mois, et les hommes de son temps l’avaient envoyé à l’asile, où il a pu constater la manière dont les aliénés étaient traités. Cette association charitable se met en place en 1539, érigée en congrégation religieuse par le pape Pie V en 1572, et vient en France en 1602 appelée par la reine Marie de Médicis qui appréciait leur dévouement à Florence. Ses membres sont infirmiers et non pas chevaliers ni médecins, ne sont pas ordonnés prêtres sauf pour ceux qui donnent les derniers sacrements. Les établissements des « Frères de la Charité » se développent et comptent 34 établissements en France, dont celui de la rue des Saints-Pères, un des sites occupés aujourd’hui par la Faculté de médecine de Paris. Ils sont souvent généralistes, mais leur spécialisation est de s’occuper des aliénés.

  3. Stefano SIMIZ : Soin des âmes, soin des corps dans les confréries modernes XVIe-XVIIe s.
    Parfois qualifiées de familles de substitution notamment au temps de calamités et de fléaux, les confréries jouent un rôle historique notable dans l’encadrement et l’accompagnement de toutes les formes de souffrances. Au-delà de l’adage qui les caractérisent et proclamant que « Charité bien ordonnée commence par soi-même », les réseaux confraternels agissent bien au-delà de leurs membres. Par leur souplesse et la complémentarité de leurs actions, leur insertion plus ou moins affirmée aussi dans les cadres de l’assistance et de l’entraide civils et religieux, enfin leur présence partout attestée, elles s’offrent comme remèdes face aux maux et détresses spirituelles, matérielles, sociales et physiques, jusqu’à l’accompagnement à la mort bien évidemment. C’est cette capacité à prendre autant soin des âmes que des corps que cette courte communication propose, en balayant des réalités évolutives, tenant compte des réflexions et des enjeux présents entre XVe et XVIIIe siècle, spécialement dans le cadre chrétien catholique et français.

  4. Apangome NGAGNINGAGNE (Université de Lorraine) : Albert Schweitzer et les populations du Gabon : une entreprise sanitaire motivée par une conviction religieuse (1875-1965)
    Les missionnaires protestants et catholiques sont des acteurs de l’entreprise coloniale en Afrique. Pour d’aucun, ils ont été un facilitateur à l’installation du régime colonial à travers le christianisme. Cependant, l’expansion du christianisme en Afrique révèle qu’au-delà de l’oeuvre d’évangélisation, qui est la première mission de l’Eglise, les missionnaires se sont toujours intéressés aux problèmes sociaux des africains notamment sur le plan sanitaire. Pour le cas particulier du Gabon, Albert Schweitzer est l’illustration parfaite de la notion "d’être un médecin autrement" en soignant aussi bien le corps que l’âme.

  5. Laurent AMIOTTE-SUCHET et Annick ANCHISI (Haute école de santé de Vaud ) : « La dernière mission », transformation des couvents en établissement de soins
    Dans les sociétés sécularisées, les communautés catholiques de religieux et de religieuses vieillissent. Impactées conjointement par la chute des vocations et la remise en cause de leur rôle dans la société civile (école, hôpitaux…), les congrégations se retrouvent progressivement dépourvues de force vives et dépossédées de leurs missions apostoliques. Cette réalité démographique, largement attestée par les statistiques de l’Eglise, a conduit la majorité des communautés à recentrer leurs dernières forces sur la prise en charge de leurs membres âgés par les plus jeunes (eux-mêmes déjà âgés) en réorganisant la vie des couvents. Face à l’accroissement des normes sanitaires et à la professionnalisation des soins, de nombreuses congrégations feront alors le choix de mettre en place des partenariats avec les Etats afin de transformer une partie de leurs couvents en établissements de soins (EMS en Suisse ou EHPAD en France) et pouvoir ainsi offrir à des membres âgés une fin de vie digne et sécurisante. Mais les responsables des congrégations religieuses doivent alors superviser ces évolutions en se donnant dès lors pour mission de contrôler le fonctionnement de ces établissements afin d’y conserver une place pour la vie communautaire.

Atelier 3 - De l’engagement religieux à la déconfessionnalisation de la prise en charge. Evergétisme, administration et personnel soignant dans le secteur médical en Méditerranée
Coordination Philippe Bourmaud (Université Lyon 3 – LARHRA)

  1. Gabriel DOYLE (EHESS) : Un quartier hospitalier interconfessionnel : pèlerinages et hospices dans le nord d’Istanbul à la fin du XIXe siècle
    À la fin du XIXe siècle, la capitale de l’Empire ottoman est marquée par une croissance urbaine qui étend la ville dans des zones semi-rurales au nord. Parmi les bâtiments publics les plus marquants qui sont construits dans cette zone, on trouve notamment des hospices et hôpitaux administrés par des congrégations catholiques, par le Sultan, par des ambassades (russe par exemple) ou encore par des sociétés de bienfaisance interconfessionnelles. À travers une diversité d’archives, principalement celles des congrégations catholiques investies dans le soin, il est possible de retracer ce qui a stimulé cet élan charitable dans les quartiers de Feriköy et Şişli. Les différentes initiatives philanthropiques et charitables qui prennent place dans ces quartiers, mais aussi certaines pratiques religieuses liées au soin, montrent comment l’urbanisation au XIXe siècle peut aussi être étudiée à travers des instituions qui prennent en charge et guérissent les citadins. Dans cet exemple concret, ces institutions représentent différentes traditions religieuses de la charité et du soin mais le quartier devient un lieu de rencontre et d’influence mutuelle.

  2. Philippe BOURMAUD (Université Lyon 3) : Soigner ou prévenir ? Les mutations de la formation des infirmières à l’Université Américaine de Beyrouth durant le mandat (1919-1939)
    La question de la déconfessionnalisation du métier d’infirmière se pose dans le mandat de Syrie-Liban, où se renforce alors le confessionnalisme institutionnel hérité de l’Empire ottoman, comme ailleurs. Cependant, le cas de la formation des infirmières à l’Université Américaine de Beyrouth montre que les enjeux de cette déconfessionnalisation sont ailleurs que dans une tension (du reste simplificatrice) entre infirmières par vocation religieuse et infirmières professionnelles. Le Syrian Protestant College (fondation missionnaire presbytérienne qui devient en 1920 l’Université Américaine de Beyrouth) commence à former des infirmières à partir de 1905, dont un nombre d’emblée conséquent de jeunes filles arméniennes. Durant la Grande guerre et a fortiori après 1918, cette filière répond à des besoins humanitaires: s’occuper des victimes de guerre, des réfugiés, et des personnes affligées par des conditions sanitaires et alimentaires désastreuses, mais aussi intégrer économiquement les réfugiées en leur trouvant une activité caractérisée par le manque de main d’oeuvre et une dévalorisation sociale manifeste.
    L’évolution humanitaire des activités sanitaires de l’Université Américaine de Beyrouth se fait sur fond de réalignement d’une partie des institutions missionnaires américaines en fonction des priorités des bailleurs de fonds américains de l’action humanitaire. Pour la Fondation Rockefeller, qui dans les années 1920 devient le premier financier de l’université, à mesure que la situation d’urgence humanitaire s’apaise, il importe de réorienter la formation des infirmières, d’une finalité d’assistance à une finalité de développement, caractérisée par une formation élitiste des infirmières. L’objectif de la fondation n’est pas d’irriguer les hôpitaux de personnels soignants, qui à ses yeux peuvent être formés sur le tas, mais de diplômer des infirmières de santé publique capables de participer à la conception de la prévention des risques sanitaires. Il s’agit donc de détourner les étudiantes d’une carrière dans des hôpitaux presque tous confessionnels, vers des fonctions d’expertise neutre sur le plan confessionnel, auprès des institutions politiques. Du fait de l’image dévalorisée du métier d’infirmière au Levant, cela passe, aux yeux de la Fondation, par une décommunautarisation de la formation, jusque là associée à des réfugiées arméniennes mal placées pour trouver du travail ailleurs. L’internationalisation du recrutement et l’éviction progressive des Arméniennes doivent amener un réhaussement social du recrutement, et faciliter ainsi l’agrégation des infirmières diplômées de l’université aux élites professionnelles des pays de la région. Le bilan, à la fin de l’entre-deux-guerres, n’est pas à la hauteur des objectifs, mais, malgré l’empathie certaine des enseignantes de l’université à l’égard des réfugiés, l’effet est bel et bien la contraction des effectifs des réfugiées arméniennes dans les promotions.

  3. Léa DELMAIRE (IEP Paris) : Le Diyanet (Direction générale des affaires religieuses) et la Guerre contre la tuberculose (Verem Savaşı) dans la Turquie d'après 1945

  4. Helena DA SILVA (Université du Havre / IHC-NOVA-FCSH) : Congrégations soignantes au Portugal (1881-1955) : entre science, religion et politique
    Au Portugal, plusieurs congrégations ou ordres religieux ont joué au fil du temps un rôle important dans les soins, en particulier les soins infirmiers. Cependant, ce rôle a évolué entre la fin du XIXe et la première moitié du XXe siècle. Entre les bouleversements politiques et une constante évolution scientifique, les congrégations ont dû s’adapter pour pouvoir soigner. Dans un premier temps, alors que toute jeune république s’installait dans un climat anticlérical, les congrégations sont écartées des soins et des hôpitaux. Cependant, dans les années 1930, sous la dictature de Salazar, les congrégations créent alors leurs propres écoles et formations ainsi que des établissements de soins. En partant de nos recherches effectuées dans les archives et bibliothèques portugaises, nous allons aborder lors de cette communication cette évolution et ces changements des congrégation soignantes au Portugal. Deux cas particuliers seront analysés : l’ordre masculin de Saint Jean de Dieu et les soeurs de la Charité.

14H-17H
SESSION IV : RITES ET CROYANCES

Conférence
David DOUYERE (Université de Tours) : Visibilité et activité des religions sur les réseaux numériques

Les réseaux numériques ont été investis comme de nombreux supports et moyens de communication pour étendre la portée du sens, des univers et des normes portés par les religions. Chaînes Youtube, vidéos courtes sur TikTok, posts sur Twitter et applications pour smartphone, sites web, permettent une fourniture de contenu religieux à distance, l’entretien « spirituel » et l’animation de communautés. Le numérique sert ainsi à enseigner, guider, avertir, expliquer, conseiller, interpréter, aider à pratiquer un rite ou le voir pratiqué, prier, prêcher, séduire et convaincre, encourager des actions caritatives, penser les évolutions sociales, encourager des mobilisations. Il permet la réappropriation de formes anciennes et « traditionnelles », donnant ainsi un tour moderne à des contenus religieux classiques.

Atelier 1 – Covid, religions et sociétés
Présidence : Louis ROUSSEAU (Université du Québec à Montréal)

  1. Philippe MARTIN (Université Lyon 2) : Covid.net
    La pandémie récente a donné lieu à une avalanche de messages sur internet Cette communication se propose de dresser une typologie des utilisations du net. Il y a eu en effet deux types de recours : la mobilisation par les Eglises pour suppléer à l’absence de réunions à cause du confinement ; une présence accrue des « marges » qui présentent les moyens de lutter contre la maladie, de retrouver l’espoir...

  2. Kelber PEREIRA GONÇALVES (université de Tours) : #Priezpourlebrésil Discours médiatiques politico-conservateurs et médias numériques au Brésil en temps de coronavirus
    Cette recherche s’intéresse aux discours conservateurs que les personnalités politiques et religieuses diffusaient sur les médias numériques durant les premiers mois d’arrivée de l’épidémie de Covid-19 au Brésil. Ces discours conservateurs se sont multipliés dans le contexte de la crise sanitaire et de l’effondrement du système de la dîme provoqué par les mesures de lutte contre le covid-19, à savoir la distanciation physique et l’interdiction des rassemblements religieux. Au-delà d’un apparent « retour de l’obscurantisme » qui serait provoqué par la crise sanitaire actuelle, les logiques économiques et politiques justifient le développement des stratégies de communication mises en oeuvre à travers les discours des acteurs, à des fins spécifiques.

  3. Abdourahmane SECK (Université de Saint-Louis du Sénégal) : Dans la pharmacie parareligieuse : narguer, prévenir et vaincre la covid-19 au Sénégal. Notes autour de la première vague
    La survenue de la pandémie de la Covid-19, dans le courant du premier trimestre de l’année 2020, est marquée par une profusion de discours et d’imaginaires religieux qui se sont imposés au coeur des débats publics. Ils constituent une matière susceptible d’être approchée et analysée à partir de régimes discursifs divers. Je me propose, cependant, après en avoir brossé un tableau le plus large possible, de l’investiguer sous le jeu de questionnements suivants : comment avons-nous été musulmans dans le temps de la crise ; qu’avons-nous invoqué et imploré ; à quels univers de sens appartiennent les ingéniosités, posologies et matérialités produites durant la crise. De manière non accessoire, il m’intéressera, également, de revisiter, à la lumière de la crise, quelques des questions les plus récurrentes dans les études autour de l’islam au Sénégal, notamment les rapports entre pouvoirs temporels et pouvoirs spirituels, la relation entre disciples et maîtres dans le cadre du système confrérique qui charpente l’islam sénégalais, et, donc, l’une dans l’autre, la question centrale du devenir du fameux contrat social sénégalais ».

  4. Lewis Ampidu CLORMEUS (Université d’Etat d' Haïti) : Croyances et pratiques religieuses à l’annonce du coronavirus en Haïti en 2020
    Dès la confirmation des premiers cas de coronavirus aux États-Unis et dans la Caraïbes, des chercheurs expriment leurs inquiétudes sur la capacité de réponse de l’État haïtien face à une telle pandémie. En mars 2020, le chef de l’État annonce que les deux premiers cas positifs de covid-19 et ordonne une série de mesures pour freiner l’expansion de la maladie. Néanmoins, certains groupes religieux recommandent à leurs fidèles de ne pas s’y conformer et d’expérimenter leur foi. D’autres proposent des remèdes et même des procédés magiques susceptibles de prévenir et guérir de la maladie.

  5. Charles CARTER (Brigham Young University, Utah, USA) : Les Saints des derniers jours à l’épreuve des fléaux/de la fin des temps, 1830-2021
    Il s’agira dans cette présentation de comprendre l’attitude de L’Église de Jésus-Christ des Saints Derniers Jours et de ses fidèles aux États-Unis face à la Covid-19. Nous postulerons que si dans le cas de la Covid-19 les positions sont aujourd’hui exacerbées par des facteurs politiques et par les nouveaux médias, des précédents sanitaires au 19e siècle et au 20e montrent aussi que si elles ne sont pas nécessairement ancrées dans la théologie des Saints, ces positions sont loin d’être totalement nouvelles.

Atelier 2 – rites de guérison chrétiens contemporains
Présidence : Christophe MONNOT (Université de Strasbourg)

De manière étonnante, les rites et prières pour la guérison disponibles dans les différentes Églises chrétiennes rencontrent un certain succès dans notre société européenne sécularisée. Cet atelier tente d’approcher la question de cet intérêt à partir d’une posture socio-anthropologique. Nous nous intéresserons ici à la pratique : comment les fidèles sont mis en condition par un rite, quelles sont leurs attentes, comment se déroule le rite, quelles en sont les conséquences ? Pourquoi cet engouement ?

  1. Laurent DENIZEAU (Université catholique de Lyon): Faut-il y croire pour guérir ?
    Le croire ne se limite ni à l’effet placebo, ni à une approche religieuse de la guérison, mais est à l’oeuvre dans toute démarche thérapeutique du côté du malade comme du côté de son thérapeute. Cette injonction « il faut y croire pour guérir » bien connue dans le milieu médical, mais aussi fortement valorisée dans les assemblées de prière pour la guérison peut s’avérer très culpabilisante pour le malade qui, s’il ne guérit pas, peut voir là l’expression d’un défaut de croyance. La guérison peut alors prendre l’allure d’une véritable performance du croire. Des prières de guérison en milieu évangélique ou charismatique aux guérisons dites miraculeuses, en passant par les formes d’anesthésie de la douleur dans des contextes rituels, nous explorerons les jeux de sens et de l’élaboration symbolique dans la quête de guérison.
    Notre contribution s’intéressera aux soirées Miracles et Guérisons organisées à Lyon mensuellement depuis 2009 et soutenues par l’Association Internationale des Ministères de Guérison (AIMG). La spécificité lyonnaise par rapport aux autres villes dans lesquelles l’AIMG est présente réside dans la dimension interconfessionnelle de ces soirées : un catholique en est à l’origine et celui-ci s’est, dès le départ, entouré d’une équipe composée à la fois de charismatiques catholiques et évangéliques. Dans cette contribution, nous nous arrêterons plus particulièrement sur le parcours de deux participantes que nous présenterons en l’articulant autour de trois axes : leur itinéraire religieux, leur participation aux soirées Miracles et Guérison et la dimension interconfessionnelle de ces soirées. Comment les soirées lyonnaises prennent-elles place dans des itinéraires religieux mouvementés? Comment répondent-elles à des attentes individuelles à visée thérapeutique et religieuse ? Vont-elles jusqu’à effacer les différences des confessionnelles? C’est à ces questions que l’analyse de ces deux récits viendra répondre.

  2. Christophe MONNOT (Université de Strasbourg) : Réincorporer le corps de l’épreuve par la prière pour la guérison
    Les chambres de guérisons – lieux spécifiques de prière individualisée pour la guérison – sont apparues en 2004 en francophonie à l’initiative de l’Association Internationale des Ministères de Guérison (AIMG). Elles permettent à des souffrants de bénéficier sporadiquement ou régulièrement de la prière pour la guérison. Lors d’une enquête ethnographique à Genève nous avons pu relever que ces chambres sont une alternative pour des personnes qui se trouvent dans le désarroi face aux limites de la médecine actuelle. L’épreuve de corps que traversent ces personnes les éloigne d’une vie sociale normale. En recourant à la chambre de guérison, les souffrants peuvent faire l’expérience d’une réintégration par l’écoute et la prière de deux conseillers. C’est alors que la démarche du mieux-être ou de la guérison leur permet de pleinement réincorporer le corps social en racontant leur corps comme preuve de guérison.

  3. Valérie AUBOURG (Université catholique de Lyon) : « Prendre un bain d’Esprit-Saint » Récits de participantes aux soirées Miracles et Guérisons à Lyon
    Notre contribution s’intéressera aux soirées Miracles et Guérisons organisées à Lyon mensuellement depuis 2009 et soutenues par l’Association Internationale des Ministères de Guérison (AIMG). La spécificité lyonnaise par rapport aux autres villes dans lesquelles l’AIMG est présente réside dans la dimension interconfessionnelle de ces soirées : un catholique en est à l’origine et celui-ci s’est, dès le départ, entouré d’une équipe composée à la fois de charismatiques catholiques et évangéliques. Dans cette contribution, nous nous arrêterons plus particulièrement sur le parcours de deux participantes que nous présenterons en l’articulant autour de trois axes : leur itinéraire religieux, leur participation aux soirées Miracles et Guérison et la dimension interconfessionnelle de ces soirées. Comment les soirées lyonnaises prennent-elles place dans des itinéraires religieux mouvementés ? Comment répondent-elles à des attentes individuelles à visée thérapeutique et religieuse ? Vont-elles jusqu’à effacer les différences confessionnelles? C’est à ces questions que l’analyse de ces deux récits viendra répondre.

  4. Laurent AMIOTTE-SUCHET (Haute école de santé de Vaud, Lausanne) : Peut-on encore guérir à Lourdes ?
    Lieu emblématique des guérisons reconnues comme miraculeuses dans le catholicisme romain, le sanctuaire de Lourdes s’est pourtant montré rigoureux et exigeant envers celles et ceux qui estimaient avoir bénéficié d’une guérison par l’intersession de Notre-Dame de Lourdes. Depuis 1858, date des apparitions à Bernadette Soubirous, seuls 70 cas de guérisons miraculeuses ont été officiellement authentifiés par l’Église. Tout au long du XXe siècle, notamment avec la création du bureau médical de Lourdes (chargé d’enquêter sur les déclarations de guérison), les critères pour identifier une évolution extra-ordinaire d’un état de santé se sont renforcés, en lien avec l’évolution des connaissances médicales. Au début du XXIe siècle, une nouvelle reconnaissance fait son apparition : il s’agit des « guérisons remarquables », manière pour l’Église de reconnaître une sorte de « quasi-miracle » en somme, afin que l’espoir de mieux-être demeure. Le cas de Lourdes met ainsi en lumière le rôle que jouent les modes de validation communautaire. Quels que soient les cultes considérés, les miracles de guérison ne dépendent pas uniquement de l’efficacité symbolique des croyances et des rites. Ils dépendent aussi de la manière dont le collectif a établi (et contrôle) les procédures d’authentification qui seules peuvent transformer la guérison, potentiellement naturelle, en miracle surnaturel.

  5. Thomas J. CSORDAS (Université de Californie, San Diego) : Healing through Roman Catholic Exorcism: Patriarchy and Paternalism (Guérir par le rite de l’exorcisme catholique: patriarcat et paternalisme)
    Recent years have seen a resurgence of exorcism as a practice within the Catholic Church. This paper is based on a comparative ethnographic study of exorcism in the United States and Italy using interviews with exorcists and afflicted people for who they perform the rite, as well as published sources and media representations. The discussion focuses on the manner in which the practice is simultaneously a benevolent exercise of paternalistic care to alleviate suffering, and an ideological mechanism for asserting patriarchal authority over the faithful.

  6. Géraldine MOSSIERE (Université de Montréal) : La prière sans la tradition ? Des performances de guérison individualisées auprès de Québécois détachés de l’Église catholique
    L’individualisation de la pratique religieuse et la remise en question des autorités institutionnelles ont placé la prière au coeur des religiosités contemporaines. Marcel Mauss la décrit comme un « mouvement, une attitude de l’âme» (1909), un acte qui, opéré en vue de produire certains effets est fondamentalement lié à une tradition - sans quoi «il faudrait la classer à part». Dans cette communication, nous étudions les prières formulées par des Québécois baby-boomers qui se sont détachés de leur héritage catholique familial et collectif. Les récits recueillis au cours de notre étude ethnographique montrent que pour cette population qui affirme sa distance avec l’Église catholique, la prière constitue la première ressource mobilisée pour composer avec les étapes du cycle de vie et les défis de la vie moderne. Nous nuancerons l’affirmation de Mauss en contexte sécularisé en examinant les déterminants, croyances et ritualités, qui modulent les performances des prières contemporaines en matière de guérison.

Atelier 3 – Sanctuaires et pratiques votives
Présidence par Bruno MAES (Université de Lorraine)

Les pratiques et objets votifs (peintures, moulages, offrandes, et les rituels qui leur sont liés), qui ont fait l’objet de nombreux travaux récents dans le champ des sciences sociales, sont sans doute l’un des phénomènes les plus constants - et les plus extraordinairement divers - rattachés à des formes de croyance en situation de risque pathologique. A la croisée de l’anthropologie, de l’histoire des arts et de l’histoire des dévotions, l’étude des sanctuaires reconnus ou non par les institutions religieuses permet l’observation de multiples formes de dons et d’échanges, dans le monde chrétien comme au Japon, en Iran ou dans bien d’autres espaces.

  1. Sandra JAEGGI-RICHOZ Sandra (Université Lyon 2) : Vases-biberons et miniatures dans les sanctuaires de Gaule romaine : une expression de soins précis ?
    Observés dans la plupart des civilisations antiques de la Méditerranée, les vases-biberons se sont révélés, par les analyses de leur contenu, des objets dont la fonction se place à la frontière de l’alimentaire et du thérapeutique. Découverts surtout dans les sépultures d’enfants, ils apparaissent aussi dans les sanctuaires, tout comme certaines typologies de vases miniaturisés. Encore mal compris, ces types de dépôts peuvent-ils être l’expression précise de pratiques de soins médico-magiques appliquées aux malades ? La confrontation, dans cette communication, des dépôts (type d’objet, nombre, position, éventuelle inscription) funéraires et votifs gallo-romains avec les traités médicaux et magiques de l’époque impériale devraient permettre d’avancer dans ce dossier épineux. Sera aussi proposée une réflexion sur l’origine de ces pratiques et sur le type d’individus ayant possiblement contribué à leur transfert : prêtres/prêtresses, mages/magiciennes, médecins, voire hommes/femmes de la haute société impliqués dans des cultes religieux ?

  2. Edoarda BARRA (EPHE, Paris) : Chanter les dieux pour guérir
    L'histoire des pratiques de santé dans l’Antiquité a souvent opposé diverses formes de savoir : le savoir « magique » des guérisseurs, celui « religieux » des prêtres et, enfin, le savoir « scientifique » des médecins. À travers l’analyse de sources littéraires, médicales, philosophiques et épigraphiques, où il sera question de la vertu curative de la prière, de la parole, du chant et de la musique, cette contribution vise au contraire à dépasser ces clivages.

  3. Caroline PERREE (CEMCA, MAE/CNRS) : Mexico, s’habiller et guérir. San Judas Tadeo : un sanctuaire où les pèlerins répliquent le saint
    À Mexico, la promesse de se rendre au sanctuaire de san Judas Tadeo vêtu à son image est l'une des promesses par laquelle les fidèles invoquent ou remercient le saint catholique, le plus souvent pour des problèmes de santé. Ces pèlerins, habillés comme le saint, remplissent leur promesse en offrant de menus cadeaux à la communauté des fidèles à l’extérieur du sanctuaire. Les objets à l’effigie du saint servent immédiatement à orner les statues que les pèlerins sortent de leur foyer pour venir les faire bénir chaque 28 du mois. Lors de ce rendez-vous hebdomadaire, les répliques du saint envahissent le sanctuaire, ses environs et l’espace public, exhibant les preuves de son pouvoir thaumaturgique.

  4. Michel VITIELLO (Université Lyon 2) : L’origine miraculeuse de la source d’Etrabonne qui soignait des maladies suite au passage des rois mages
    Entre histoire et légendes, la translation des reliques des Rois mages en 1164 a marqué l’Est de la France. De l’itinéraire supposé des reliques à la naissance de légendes intégrant les personnages de retour de Terre sainte, les Rois mages contribuent à marquer durablement la région. Miracles, pèlerinage, octroi de don de guérison ; il est alors possible de saisir le lien créé entre santé et religion par un culte dévotionnel rendu aux Rois mages.

  5. Jean-Michel BLANCHOT (Université Lyon 2) : Les Madones à gratter d’Einsiedeln
    Les madones à gratter, autrement dénommées Schabmadonna ou Laicheibli, occupent une place centrale dans la pharmacopée mariale d’Einsiedeln. Ces figurines en terre cuite sont composées à partir des poussières, de l’huile de la Sainte Chapelle d’Einsiedeln, voire de parcelles de reliques, mélangées à l’argile. Pour être considérées comme authentiques, elles doivent être en contact avec le prototype de la statue de Notre-Dame des Ermites et données par les bénédictins, après la bonne observance de la communion et de la confession. Ces petites statuettes, plus ou moins ouvragées, de toutes les tailles et donc de toutes les bourses, sont grattées en cas de nécessité. Leurs fonctions apotropaïques et curatives, leurs vertus lénitives rencontrent un grand succès chez les dévots qui fréquentent ce sanctuaire en plein coeur de la Suisse. Elles constituent un formidable outil de promotion mariale, parfois à l’origine de sanctuaires relais et d’une multitude d’objets de dévotion. Surtout, elles jouent un rôle important dans le processus miraculaire imputé à la Vierge noire d’Einsiedeln. Loin d’être l’apanage exclusif d’une piétaille superstitieuse, ce bel exemple d’iconophagie est au centre de la thaumaturgie einsiedelsienne. On note un procédé similaire à Altötting en Bavière. Mais Einsiedeln semble être le seul sanctuaire où cette pratique soit instituée à une si grande ampleur et si durablement.

Atelier 4 – Diète, jeûne, ascèse
Présidence : Sylvio De FRANCESCHI (EPHE), Daniel-Odon HUREL (EPHE)

Au sein de l’espace français, plusieurs études récentes indiquent qu’une profonde transformation du rapport aux techniques ascétiques est en cours qui n’a pas manqué d’affecter la manière dont le jeûne est conçu. Il semble que le cycle de la critique rationaliste du jeûne soit en train de s’achever et qu’un nouveau cycle soit en train de s’ouvrir, plus favorable aux privations alimentaires volontaires, mais désormais envisagées selon des formalités non religieuses. Le présent atelier entend interroger de divers points de vue une pratique dont le sens et les formalités se sont profondément modifiés au fil des siècles.

  1. Léa ZÉRINGER (Université Lyon 2) : L’ascèse dans les Sermones ad monachos : un remède
    Le corpus des Sermones ad monachos attribués à Fauste de Riez incite vivement à l’ascèse pour guérir l’âme humaine. Est-ce pour autant un « remède miracle » ? Il s’agira d’interroger la portée et l’efficacité de l’ascèse définie dans cette série de dix homélies pour en saisir la singularité thérapeutique. Si le prédicateur aspire à soigner l’homo interior par les jeûnes et les veilles, son exigence fait aussi de l’ascèse un remède à envisager et questionner tant sur le plan spirituel que social ou théologique.

  2. Pierre LORY (EPHE) : Le jeûne dans la mystique sunnite
    Les mystiques musulmans des premiers siècles de l’ère hégirienne attachaient une importance considérable aux jeûnes les plus stricts. Il s’agissait de toute évidence d’une condition essentielle pour atteindre la proximité au divin. Sous-jacente, une vision anthropologique assez distincte de celle du sunnisme majoritaire, et qui impliquait une spiritualisation du corps matériel parallèle à l’extinction de l’âme en Dieu.

  3. Yves KRUMENACKER (Université Lyon 3) : Le jeûne protestant en France au XVIIe siècle
    Contrairement à ce qu'on pense souvent, le jeûne n'a pas disparu dans les églises protestantes à la suite de la Réforme. Des jeûnes ont lieu, à des dates variables, fixés par les assemblées compétentes (synodes, colloques) afin de témoigner devant Dieu de l'humilité des croyants et de leur repentance. La privation de nourriture, pendant une journée, s'accompagne de l'assistance au culte, de prières, de l'écoute de plusieurs sermons. Le but n'est absolument pas thérapeutique, il s'agit de prendre conscience de ses péchés afin de se nourrir de la Parole de Dieu et de la mettre en pratique.

  4. Daniel-Odon HUREL (CNRS, EPHE) : Le jeûne dans la reconstruction bénédictine en France au XIXe siècle (Dom Guéranger, le Père Jean-Baptiste Muard)
    Le monachisme bénédictin occidental est fortement marqué aux XIXe et XXe siècles par deux personnalités, dom Prosper Guéranger (1805-1875), le restaurateur de Solesmes en 1833 et le Père J.-B. Muard (1809-1854), le fondateur de la Pierre qui Vire au début des années 1850. Deux visions très différentes de la tradition bénédictine, mais qui puisent toutes les deux à la même source, la Règle de Benoit de Nursie. L’objet de notre intervention consiste à saisir quelle est la place du jeûne dans ces relectures de la Règle et de la tradition. Dans quelle mesure le jeûne contribue à donner un caractère propre à l’une ou à l’autre ? A co-définir une cohérence monastique propre ? Sur la base de travaux collectifs récents, il s’agira aussi de mieux saisir la spécificité de la place du jeûne dans le monachisme contemporain au regard des évolutions de l’Église en ce domaine.

  5. Sylvio De FRANCESCHI (EPHE) : Le jeûne du Carême en Italie au tournant des XVIIIe et XIXe siècles
    À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, les pratiques du jeûne et de l’abstinence sont de moins en moins respectées par les catholiques italiens. Elles continuent pourtant à être vaillamment défendues par les théologiens moralistes sucesseurs de Daniele Concina, parmi lesquels on trouve Antonio Maria Boranga, Gian Vincenzo Patuzzi, Giovanni Antonio Borgovini, Faustino Maria Scarpazza ou, dans les années 1820, Paolo Sperone. Les prédicateurs prennent eux aussi partie pour une morale rigoureuse et tentent de préserver les observances du Carême. Leurs analyses sont pourtant contredites par les faits : en péninsule italienne, le pape et les évêques sont désormais forcés d’accorder chaque année de considérables adoucissements à la loi du Carême.

LISTE DES INTERVENANTS

AMIOTTE-SUCHET Laurent, Chargé de recherche HES Haute école de santé Vaud (HESAV-HES-SO)
ANCHISI Annick, Chargé de recherche HES Haute école de santé Vaud (HESAV-HES-SO)
NGAGNINGAGNE Apangome, doctorant en histoire contemporaine, Université de Lorraine, HN-FB, CRULH
AUBIN-BOLTANSKI Emma, Anthropologue, CéSor, CNRS
AUBOURG Valérie, UR Confluence : Sciences et Humanités-Université Catholique de Lyon
BARRA Edoarda, Chargée de conférences à EPHE ANHIMA UMR 8210
BERAUD Céline, Directrice d'études EHESS, membre du CéSor
BERNARD Léo, Docteur en histoire des religions EPHE (université PSL)
BLANCHOT Jean-Michel, Doctorant Université Lyon 2 - LARHRA
BOURMAUD Philippe, MCF en histoire contemporaine - Université Lyon3 - LARHRA
BRUNEL Julie, Doctorante, Université Lyon2, LARHRA
CARO Eléonore, Doctorante, EHESS (UMR Chine, Corée, Japon)
CARTER Charles, Brigham Young University, USA
CHOPELIN Paul, MCF en histoire moderne -université Lyon3 -LARHRA
CLORMEUS Lewis Ampidu, Université d’Etat d'Haïti
COSTA Iacopo, Philosophe, Directeur de recherche au CNRS, PSL LEM (UMR 8584)
CSORDAS Thomas J., Université de Californie, San Diego
DA SILVA Héléna, Docteure en histoire, IHC-NOVA-FCSH
DELMAIRE Lea, Institut d'études politiques Paris
DENIZEAU Laurent, Anthropologue, enseignant-chercheur Université Catholique de lyon, UR Confluence : Sciences et Humanités (EA 1598)
DOUYERE David, Professeur de Sciences de l'information et de la communication,
P.R.I.M. Université de Tours,
DOYLE Gabriel, Doctorant CETOBaC-EHESS
EDARD Jean-Baptiste, MDR, Faculté de théologie, Université Catholique de l'Ouest
FABRE Pierre-Antoine, EHESS
FAURE Olivier, CNRS
FEUILLEBOIS Eve, MCF Sorbonne Nouvelle
FIELOUX Michèle, CNRS
FORTIER Corinne, Chargée de recherche CNRS, Laboratoire d'anthropologie sociale
FRANCESCHI Sylvio (de), Directeur d'études EPHE (Sciences religieuses) LEM (UMR 8584)
GRAPPE Christian, Professeur, Université de Strasbourg-UR 4378 (Théologie protestante)
GUYON Catherine, Université de Lorraine
HUNZIKER-RODEWALD Régine, Université de Strasbourg
HUREL Daniel-Odon, Directeur de recherche, CNRS, PSL, LEM (UMR 8584)
IANCU-AGOU Danièle, Directeur de recherche émérite, CNRS, PSL, LEM (UMR 8584)
JAEGGI-RICHOZ Sandra, Docteure, université Lumière Lyon2
JEANNE Damien, Chargé de cours Université de Caen et du Havre, membre associé au centre Michel-de-Boüard, Craham UMR 6273 du CNRS
JOUHAUD Christian, Directeur d'études EHESS (G.R.I.H.L)
KLOS Edouard, Professeur agrégé d'histoire, doctorant en histoire moderne, université Lyon2 - LARHRA, UMR 5190
KRUMENACKER Yves, Professeur d'histoire moderne - Université Lyon3 - LARHRA
LABARRE Sylvie, Université Le Mans/LEM
LEGRIP Olivia, anthropologue, ISERL
LOMBARD Jacques, IRD
LORY Pierre, Membre du laboratoire d'études sur les monothéismes (LEM, UMR 8584)
MAES Bruno, MCF (HDR) en histoire moderne, Université de Lorraine, ), CRULH (EA3945)
MARTIN Philippe, Professeur en histoire moderne, Université Lyon2 (LARHRA)
MATHIEU Séverine, Directrice d'études "Sociologie des religions et de l'éthique" EPHE, PSL
MONNOT Christophe, Maître de conférences, Université de Strasbourg
MOSSIERE Géraldine, Professeure, institut d'études religieuses, Université de Montréal
MOULIN Anne-Marie, SPHERE (CNRS/Université de la Sorbonne) Paris
PELLETIER Denis, Directeur d'études en sciences religieuses, UMR 8582 Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL)
PEREIRA GONCALVES Kelber, doctorant-chercheur sciences de l'information et de la communication, Université de Tours, membre du laboratoire P.R.I.M (EA7503)
PERREE Caroline, Historienne de l'art, CEMCA
PRETRE Clarisse, Directrice de recherche, UME 8210 Anhima
ROUSSEAU Louis, Professeur émérite, département de sciences des religions, Université du Québec à Montréal (UQAM)
SECK Abdourahmane, Université G. Berger, St-Louis, Sénégal, Centre d'étude des religions, (C.E.R.) Faculté des civilisations, religions, arts et communication
SEICHEPINE François, Docteur en histoire, université de Bourgogne
SIMIZ Stefano, Professeur Histoire moderne - Université de Lorraine CRULH
SIMONET Caroline, Docteure en histoire médiévale, membre associé du CRAHAM, Université de Caen
THEVENIN Etienne, MDR (HDR) en histoire contemporaine -université de Lorraine, Directeur du département d'histoire de Nancy/CRULH
VIALLET Ludovic, Professeur d'histoire médiévale, Université de Clermont-Auvergne
VILLELA Jean-Marie, Doctorant en histoire contemporaine, Université de Lorraine (CRULH)
VITIELLO Michel, Doctorant, LARHRA, Université Lyon2
ZERINGER Léa, Université Lumière Lyon2 - UMR 5189 HiSoMa